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découvrait un observateur attentif, avisé, réfléchi. De tels conseils méritaient qu’il y attachât quelque prix et d’autant plus qu’ils s’inspiraient d’un dévouement à sa personne, de la sincérité duquel il ne doutait pas. C’est là ce qui explique comment, dès ce jour, quoique non résolu à les suivre, il s’accoutumait à les provoquer, à les encourager, à les écouter avec bienveillance ; et pourquoi aussi sa confiance dans son cousin, loin d’être altérée par une liberté de langage à laquelle il n’était pas accoutumé, ne fit que s’accroître à l’égal du tendre attachement qu’il lui avait voué.

Cet attachement et cette confiance, on les voit s’augmenter sans cesse. Le Roi ne perd aucune occasion de les exprimer. Lorsqu’en 1807, le Duc d’Orléans perd successivement ses deux frères ; lorsqu’en 1808, sa mère et sa sœur viennent le retrouver en Angleterre ; lorsque, dans la même année, il se jette en Espagne avec l’espoir si vite déçu d’y combattre pour les Bourbons ; lorsque, à son retour, il épouse à Palerme la plus jeune fille du souverain des Deux-Siciles et lorsque, enfin, il devient père, la sollicitude royale, aussi attentive à ses tristesses qu’à ses joies, s’exerce envers lui sous des formes hautement révélatrices des sentimens affectueux dont il est l’objet de la part de Louis XVIII.

Du reste, à cette date de 1808, le Roi définitivement fixé en Angleterre est son obligé, car s’il a trouvé enfin un asile fixe et des secours réguliers qui lui seront conservés jusqu’à la Restauration, c’est en grande partie au Duc d’Orléans qu’il le doit, au Duc d’Orléans que, dès 1806, il a choisi pour négocier en son nom avec le gouvernement britannique et qui s’est acquitté de cette mission avec autant d’activité que de savoir faire. Et c’est ainsi que les rapports affectueux et confians renoués entre les deux branches de la maison de France se prolongeront pendant toute la durée de son exil, et tels qu’on peut croire alors qu’ils ne s’altéreront plus jamais.


ERNEST DAUDET.