moitié des professions qui s’exercent ici. A leur approche, les tout jeunes ouvriers se transforment en une innocente petite famille jouant au loto. De même, les inspecteurs scolaires se laissent prendre aux mensonges ingénus des enfans qui ne vont pas à l’école. Mentir, c’est la première leçon qu’ils aient reçue et les voisins ne se dénoncent guère les uns les autres ; on n’y gagnerait rien ; si la gardeuse d’enfans du second étage dénonçait le fourreur du premier, qu’est-ce que le fourreur ne pourrait pas dire sur la gardeuse d’enfans ? Chacun a des ressources merveilleuses pour dépister les agens de l’autorité. Cependant des arrestations assez fréquentes se produisent. On reconnaît le récidiviste à l’évidente habitude qu’il a de tendre les poignets aux menottes et à sa docilité envers les agens, qui de leur côté lui témoignent de certains égards.
Ce qu’il y a de meilleur dans John Street, c’est Tilda. De son frère défunt, boxeur de profession, elle tient les secrets du métier qui lui reviennent quand elle est en colère. Son empire sur tout ce qui l’entoure est celui du courage et de la beauté ; ceux qui la connaissent la déclarent « respectable, » car son intimité avec Covey est conforme au code de l’étiquette locale ; ils se tiennent compagnie avant l’engagement définitif. Plus tard, ayant vaguement entrevu un nouvel idéal, elle s’excusera ainsi : « On ne m’a rien appris de bon quand j’étais enfant, à Covey non plus. Et c’est comme ça que nous en sommes venus à nous accrocher ensemble au même clou. Tout le monde dans John Street a pareille histoire. On n’y peut rien. Si vous vouliez raccommoder, vous ne feriez que déchirer l’étoffe. C’est des petits qu’il faut s’occuper. Laissez mourir les. vieux… nous autres… Et puis vous verrez le changement ! »
Nous commençons en effet à voir le changement depuis que la philanthropie anglaise s’applique à protéger, à diriger l’enfance, à préparer l’avenir de la nation ; les excellentes écoles de réforme et d’industrie, si différentes de la maison de correction telle qu’on l’entend ailleurs, et que l’on doit presque toutes à la charité privée, se multiplient : peu de pensionnaires, — de cinquante à cent seulement à la fois, — rien qui ressemble à une caserne, à la seule discipline mécanique ; enseignement religieux, physique et industriel avant tout ; l’effacement raisonné du stigmate qui s’attache à ce qu’on appelait autrefois la prison, même quand il ne s’agissait que de délits très légers dont