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Là-dessus Tilda fait comprendre qu’elle ne connaît de la campagne que le marché de Covent Garden : — Mais comment pourriez-vous savoir, milady ?…

Et ce seul mot paraît intéresser la princesse ; elle éloigne du regard le Comité qui semblerait désireux d’intervenir et un dialogue s’engage entre ces deux femmes séparées par d’incommensurables espaces. Tilda, encouragée, parle de John Street, des samedis soirs, de l’acte du parlement qu’il faudrait pour arrêter tout cela et pour sauver les petits… De la viande deux fois par semaine et l’école,… cela vaudrait encore bien mieux que des banquets !

Elle balbutie, s’embrouille, éloquente cependant, comme si elle eût tout à coup et d’intuition compris cette puissance féminine qui doit être quelque chose de plus haut que le pouvoir personnel, puissance unique faite pour amener les peuples orgueilleux au joug de la tendresse, pour protéger ceux qui n’ont pas la force, pour rendre le monde heureux.

Avec un soupir, un long regard pénétrant, Milady, comme elle l’appelle, donne une poignée de main à la bouquetière et continue le tour de la salle. Très belle scène qui aurait pu facilement être banale ou manquer de vraisemblance et qui touche par sa simplicité.

La prière de Tilda a retenti en Angleterre. Ceux qui ont visité les nombreux settlements formés peu à peu autour de cette colonie sociale modèle, Toynbee Hall, le savent. Nous avons parlé ailleurs[1] des centres de récréation, des écoles de vacances et de ces Cripple Schools où sont soignés, utilisés les petits infirmes. Des mains bienfaisantes, des mains de femmes recueillent par milliers ce qui deviendrait, sans elles, l’écume des fau bourgs, ce qui formera, sous de bonnes influences hygiéniques et éducatives, une fraction honnête de la société. Beaucoup de bons esprits estiment que c’est le moyen le plus efficace, en somme, religion et sentiment à part, de servir la patrie.

Peut-être le récit du Jubilé royal et de ses splendeurs tient-il un peu trop de place dans le livre de M. Whiteing, mais il sert à mettre en lumière beaucoup de choses intéressantes. D’abord, nous voyons ce que pense de ces réjouissances tout le peuple convié à y prendre part. Des raisons de la fête il ne sait

  1. Voyez la Revue du 1er janvier 1905 : Impressions d’été à Londres.