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Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 29.djvu/422

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qui la déparent et qui, presque toutes, sont dépourvues de tout caractère artistique ou même documentaire ! En veut-on une preuve ? Ce fut sur l’ordre donné par l’administration de la liste civile de Louis-Philippe, que des statues, jadis commandées par Napoléon Ier pour honorer la mémoire des généraux Colbert, Espagne, Roussel, Walhubert, morts à l’ennemi, devinrent celles de Mortier, de Lannes, de Masséna, de Jourdan. L’opération fut simple ; on leur coupa la tête, ainsi qu’on eût fait au temps de la Terreur, rouge ou blanche, et, du coup, plus de vingt ans après leur héroïque trépas, ces braves généraux furent, sous d’autres noms, inopinément promus à la dignité de maréchaux de France. Comme ces douteuses œuvres d’art, appelées à lui former une garde d’honneur, — et au sujet de plusieurs desquelles, Suger, Bayard, Sully, Richelieu, l’on pourrait répéter le mot d’une opérette connue : « Quoi ! déjà ? » — l’effigie équestre de Louis XIV, qui se dresse entre le pavillon Gabriel et le pavillon Dufour, est aussi mal placée que possible. Rétrécissant encore l’entrée, déjà fort exiguë, de la seconde cour d’honneur du château, antérieurement dite cour des Princes[1], enfouie entre ces deux pavillons si mal soudés à tout le reste, cette statue et son massif piédestal masquent en partie l’élégante façade Louis XIII qui sert de fond à ce grand décor. Cette encombrante statue, aussi bien que celles qui furent amenées jadis du pont de la Concorde, sur lequel on les avait installées avec la prétention de faire de celui-ci une sorte d’imitation du pont Saint-Ange, trouveraient un emplacement plus convenable sur la place d’Armes ou ailleurs. Par cette opportune retraite, elles restitueraient à la principale entrée du château l’aspect qu’elle n’aurait jamais dû perdre.

Ce qu’il eût fallu, ce qu’il faudrait aussi respecter, comme l’une des principales beautés de Versailles, ce sont les perspectives, de toutes parts, ouvertes, tant sur le parc que sur la ville, par Louis XIV, qui avait entendu en faire les prolongemens du palais. Certes il n’est point possible de ramener les maisons situées en bordures des avenues aboutissant au château aux proportions esthétiquement réglementaires, fixées, lors de la création de Versailles, par des ordonnances spéciales, qui leur interdisaient de dépasser le faîte des arbres ; il semble toutefois que

  1. Saint-Simon, même avant cette transformation, écrivait : « Du côté de la cour, l’étranglé suffoque. »