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REVUES ÉTRANGÈRES

À PROPOS D’UNE NOUVELLE BIOGRAPHIE DE GIOTTO


Giotto, par M. B. de Sélincourt, 1 vol. in-8o, illustré. Londres, 1905.


Il y a plus de cent ans qu’un moine italien, le P. Guillaume della Valle, dans ses savantes et charmantes Lettres Siennoises, pour se justifier de préférer l’art de Sienne à celui de Florence, a osé affirmer que l’art de cette dernière ville « manquait de poésie : » affirmation qui, depuis lors, tout en condamnant les Lettres Siennoises au mépris universel, a valu à leur auteur, auprès des historiens et critiques d’art de tous les pays, une gloire du même genre que celle que s’est acquise chez nous, bien gratuitement, le P. Loriquet. Dénué de poésie, l’art qui a produit les Donatello et les Masaccio, les Verrocchio et les Pollaiuoli, pour ne point parler de ce Botticelli dont le nom seul suffit à éveiller en nous un parfum de subtile, profonde, et troublante beauté ! Dans son enthousiasme aveugle pour la pieuse Sienne, le P. della Valle n’était-il donc jamais venu à Florence ? n’avait-il pas vu ces incomparables chefs d’œuvre d’élégance poétique, la cathédrale de Sainte-Marie-de-la-Fleur, les Palais Médicis, Strozzi, et Pitti ? Refuser le don de poésie à la « cité des fleurs, » c’était, en tout cas, un blasphème que seul un moine pouvait se permettre ; et le fait est qu’un autre moine se l’était permis déjà, trois cents ans avant le P. della Valle, en des termes différens, mais non moins formels, et d’une signification toute pareille : le sauvage Savonarole, l’iconoclaste forcené qui contraignait les peintres florentins à brûler leurs tableaux sur la place publique !

Peut-être, cependant, le principal tort du P. della Valle n’était-il que