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et, en le faisant, c’est pour elles-mêmes qu’elles travaillaient. Dès qu’il a vu se dresser contre lui le bloc des gouvernemens européens et américains, et qu’il a compris qu’aucun effort de sa part ne réussirait à l’entamer, le Sultan s’est soumis. Il a essayé d’abord de nous donner une demi-satisfaction en relâchant Bou Mziam. Évidemment nous ne pouvions pas nous en contenter. Si nous l’avions fait, on n’aurait pas manqué de comparer notre longanimité actuelle à la rigueur que nous avons toujours montrée autrefois dans des circonstances analogues. On n’aurait pas manqué non plus de l’attribuer à une défaillance. Il nous fallait absolument des excuses publiques, la punition du cadi coupable, une indemnité pour la victime. C’est, si on nous permet l’expression, la jurisprudence établie en pareil cas, et l’occasion aurait été particulièrement inopportune pour y renoncer. Notre politique a donc été ce qu’elle devait être. Elle a produit les effets qu’il était permis d’en attendre, et on a vu une fois de plus ce que pouvaient pour le maintien de nos droits la confiance dans leur légitimité, la fermeté dans la parole, la résolution dans l’action. Cela ne porte, d’ailleurs, aucune atteinte à la juste appréciation que nous avons été heureux de faire de l’attitude des autres puissances. Si leur intérêt était conforme au nôtre, nous leur savons gré de l’avoir compris tout de suite et de nous avoir donné leur concours. L’Allemagne n’a pas hésité une minute à le faire, et rien ne pouvait mieux contribuer à préparer à M. Rosen un bon accueil à Paris.

M. Rosen est le nouveau ministre d’Allemagne à Tanger : c’est lui qui doit y remplacer M. de Tattenbach. Il serait plus exact de dire que c’est M. de Tattenbach qui a remplacé provisoirement M. Rosen, dont la nomination remonte déjà à plusieurs mois. Mais il n’était pas prêt, dit-on, à rejoindre son poste, tandis que M. de Tattenbach était à proximité de Tanger, à Lisbonne, et voilà comment celui-ci a été chargé de faire l’intérim de celui-là. La combinaison n’a pas été très heureuse et plus tôt elle prendra fin, mieux cela vaudra. L’envoi de M. Rosen à Paris dans les circonstances actuelles semble témoigner d’un réel désir d’entente et de conciliation. Nous aurons à traiter ultérieurement avec lui plus d’une affaire au Maroc : il était bon par conséquent que nous le connussions, qu’il nous connût, et qu’une confiance mutuelle s’établît entre nous. Ce qu’on dit de son intelligence et de son caractère permet d’espérer qu’il en sera ainsi. Mais, quelles que soient ses dispositions et ses inclinations personnelles, M. Rosen suivra strictement, cela va sans dire, les instructions de son gouvernement ; il y mettra plus de souplesse et de liant que M. de