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Tattenbach, voilà tout. Il s’agit donc de savoir quelles sont aujourd’hui ses instructions, et si elles permettent à lui et à nous d’aboutir enfin à un accord final qui s’est déjà fait attendre longtemps. Nous ne doutons pas qu’on ne le désire à Berlin autant qu’à Paris, car la situation s’aggrave de plus en plus au Maroc.

L’anarchie dont nous parlions plus haut y devient chaque jour plus violente. Les attentats, les assassinats se multiplient à Tanger même. Les environs immédiats de la ville sont livrés au brigandage. On avait espéré qu’Erraissouli, le célèbre Erraissouli, mettrait un peu d’ordre dans ce brigandage, et les optimistes avaient même découvert en lui de précieuses facultés de policier. Mais il a trouvé à qui parler dans les tribus qui l’entourent et dont il a quelque peine à soutenir l’assaut. Quant au gouvernement, il attend les événemens et ne sait pas encore pour qui il prendra parti. Il y aurait sans doute exagération à attribuer uniquement cet état de choses aux incertitudes dont l’Europe n’est pas encore sortie et à l’opposition que certaines puissances se font l’une à l’autre ; mais il n’est pas douteux que cet effet se rattache partiellement à cette cause, et que la tranquillité ne se rétablira au Maroc que lorsqu’on commencera à y voir clair dans l’avenir probable. Aucune autorité, pour le moment, ne peut savoir ce qu’elle sera demain. Tout y est en suspens. Le Sultan, le maghzen, les puissances se demandent avec inquiétude si la conférence se réunira et ce qu’elle décidera. Cette attente a déjà été bien longue : il faut souhaiter qu’elle soit courte désormais. Nous avions eu une conception particulière de la manière la plus simple et la plus rapide, par conséquent la meilleure, d’introduire un peu d’ordre au Maroc et d’y ouvrir la porte à la civilisation européenne. L’intervention allemande a brusquement renversé notre plan. L’Allemagne a opposé une conception nouvelle à la nôtre, et lui a donné comme point de départ la réunion de la conférence. Personne à coup sûr ne nous accusera de n’avoir pas mis une grande bonne volonté à établir une entente entre elle et nous. La conférence nous paraissait parfaitement inutile, et c’est un sentiment dans lequel nous persistons ; mais il nous a suffi que l’Allemagne y tînt beaucoup pour que nous en acceptions le principe. L’Allemagne, après avoir lancé cette idée, a paru en effet mettre quelque amour-propre à la faire prévaloir ; nous avons mis à notre tour quelque condescendance à y travailler. Il y a eu là, de notre part, un désintéressement moral dont on doit nous savoir quelque gré. Où en sommes-nous maintenant ? Cette conférence que nous n’avons pas imaginée, que nous avons seulement adoptée, va-t-elle enfin avoir lieu ? Nous le désirons