Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 29.djvu/572

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’un petit village situé près de la ligne ferrée de la rive droite du Rhin, à 8 kilomètres environ au Nord de la frontière suisse. Là, les collines rocheuses de l’Isteiner Klotz, bordant le fleuve, en sont si rapprochées qu’on a dû percer trois tunnels pour donner passage à la voie.

La forteresse que les ingénieurs allemands achèvent de construire, sur les hauteurs voisines du village, a reçu tous les perfectionnemens dus à la science moderne. Autour d’un fort puissant, se groupent un certain nombre, d’ouvrages orientés dans presque toutes les directions, principalement vers l’Ouest et vers le Nord et le Sud dans le sens du cours du Rhin, et adaptés merveilleusement aux formes et aux accidens du terrain. Terrassemens considérables, retranchemens, batteries, ouvrages pour l’infanterie, communications à ciel ouvert et souterraines, chemins couverts, palissademens, coupures à travers bois pour le tir, artillerie sous coupole et sous bouclier, dispositifs pour le réglage du tir, constructions en béton (abris, casernes, magasins, etc.), camp, puits, blockhaus, observatoires blindés, ascenseurs, communications télégraphiques et téléphoniques avec Neuf-Brisach, etc., rien ne manque à cette forteresse modèle. Quelques hauteurs voisines seront fortifiées également.

N’est-il pas inouï qu’on ait à peine fait allusion, en France, à des travaux de cette importance ? Nos voisins les poursuivent sans relâche, comme si la guerre devait éclater demain.

Toutes sortes de précautions ont été prises par les ingénieurs pour dérober, autant que possible, la vue des ouvrages. Les ouvriers sont rigoureusement surveillés ; toute communication avec le dehors leur a été interdite. Des tirs d’épreuve d’artillerie ont eu lieu, à différentes époques, depuis 1903. En juillet 1904, des exercices ont été effectués avec l’intention de déterminer les directions de tir. Des groupés de deux à trois hommes envoyés le long du Rhin, en amont jusque vers Huningue et Saint-Louis, en aval vers Kemps et Sierentz, à travers la forêt de la Harth, indiquaient leur emplacement, pendant le jour, à l’aide de fanions, et, pendant la nuit, au moyen de fusées. Ces exercices ont préludé à des manœuvres de siège exécutées à la fin de 1904.

La position d’Istein défend le passage de la rive alsacienne à la rive badoise jusqu’à la frontière suisse vers Saint-Louis ; en effet, les canons de gros calibre pouvant envoyer leurs projectiles jusqu’à Saint-Louis et Huningue (environ 7 kilomètres),