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discipline, de dignité, de moralité, sans lesquels il n’existe pas de citoyens dignes de ce nom. » Les concurrens devaient « dire, ensuite, si le culte de la patrie nous doit être le plus cher et pour quelles raisons. » Une troisième question, enfin, était ainsi formulée : « L’instituteur, afin de bien faire chérir la patrie, doit-il être lui-même un soldat ; doit-il à l’avenir passer par le régiment ? » Cinq cent cinquante manuscrits furent envoyés, faisant tous honneur au patriotisme des instituteurs, « exprimant tous les mêmes vérités, les mêmes grandes pensées, avec une semblable foi ; » cent quatre-vingts furent jugés dignes de récompense.

Un directeur d’école, en ce temps-là, n’avait qu’un désir : c’était de voir quelque colonel ou quelque général — on ne disait pas encore : des « galonnés, » — gratifier d’un regard et d’un encouragement les manœuvres du petit bataillon. Le pinceau de certains peintres se laissait séduire par ces enfantines parades : des tableaux comme le Bivouac, de Frère, ou comme Pour la France, de Geoffroy, exposés au Salon de 1885, gravaient le souvenir de cette période de foi, de fraîcheur et d’enthousiasme, durant laquelle l’école avait un idéal. Vingt mille exemplaires des Chants du soldat étaient expédiés à nos maîtres primaires, caporaux improvisés de ces armées lilliputiennes ; grâce à M. Paul Dérôulède, le nouveau corps sacerdotal que les lois scolaires préposaient à l’âme française avait à sa disposition de beaux et vibrans cantiques. Même, des « Marseillaises » enfantines s’improvisaient, et les écoliers armés chantaient avec une gracieuse crânerie ces vers de M. Henri Chantavoine :


Oui, Bara, le petit tambour,
Dont on nous a conté l’histoire,
En attendant bat chaque jour
Le rappel dans notre mémoire.
Nous sommes les petits soldats
Du bataillon de l’Espérance ;
Nous exerçons nos petits bras
A venger l’honneur de la France.


III

Parallèlement à l’instruction militaire, l’instruction civique se développait : il ne fallait pas que la formation des âmes fût en retard sur celle des bras. Les maisons d’éditions scolaires