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Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 29.djvu/632

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religieuse, que tous deux furent, paraît-il, inscrits dans le clergé, et chargés de lire au peuple les livres ecclésiastiques. L’ordre des lecteurs comprenait alors de tout jeunes gens ; c’était, dans la hiérarchie cléricale, un des degrés inférieurs. En y recevant Julien, conçut-on l’espoir qu’il entrerait réellement plus tard dans l’Eglise ? Les persécutions dont il avait été l’objet depuis son enfance avaient entamé la sincérité de son caractère ; il jouait la piété, faisait amitié avec des prêtres ariens nombreux en Cappadoce. Il fut avec l’un d’eux, nommé Georges, élevé plus tard au siège d’Alexandrie, en commerce de prêts de livres. L’Ancien Testament, et une partie du Nouveau, lui passèrent ainsi par les mains. Il lisait tout, et quelquefois copiait, sans qu’on puisse bien savoir quel était alors son état d’esprit. Ce serait lui faire honneur de trop de précocité et de dépravation que de penser qu’il se préparât dès ce moment à un combat de doctrines. Sans doute il croyait encore croire ; mais suivant l’expression d’un de ses historiens, sa connaissance des livres sacrés était toute verbale, et, ajouterons-nous, il n’aimait pas ce qu’il croyait ; il pliait à la nécessité présente, même intérieurement, et faible comme il était encore, ne réalisant pas la possibilité d’une réaction ou même d’une résistance, il prenait de toutes mains la pâture intellectuelle offerte à son avide curiosité. Lorsqu’il quitta Macellum, sa formation d’idées n’était pas encore complète, mais cette longue concentration, et à cet âge, l’avait à peu près fixé moralement. Certaines facultés de l’âme se sont développées, d’autres se sont atrophiées en lui ; n’ayant eu presque personne à aimer, il a désappris d’aimer ; Gallus, son frère, est trop grossier, trop différent de lui ; il a voué à Mardonius une affection de nature tout intellectuelle, incapable de remplir son cœur, telle qu’un jeune homme de ce rang, fils d’une race plusieurs fois divinisée, pouvait la donner à un maître qu’élevait son intelligence, et que dégradait en même temps son double caractère d’eunuque et d’esclave. Il aimera à peu près de même plus tard son second éducateur, Maxime d’Ephèse, et Libanius. En réalité, dès Macellum les puissances affectives sont mortes en Julien. Toujours il brûlera par en haut comme une torche. Ce long silence, la surveillance qu’il sent sur lui, l’ont aussi un peu dévoyé et gauchi, et enfermant en lui-même des impressions confuses, mais ardentes, il sait faire les signes extérieurs qui témoignent d’impressions contraires. Très sincère dans