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l’ordre de ses idées, de sa foi, de ses préférences philosophiques, il ne le sera pas toujours en face des hommes, ni dans les moyens qu’il prendra pour triompher.

Cependant Constance faisait préparer les voies à une réconciliation avec ses deux cousins. Les serviteurs qui entouraient les jeunes princes avaient pour mot d’ordre d’effacer le souvenir de la terrible catastrophe qui avait traversé leur vie d’enfans. On leur affirmait que l’Empereur avait agi par surprise, sous la pression d’une soldatesque violente et déchaînée. Il est difficile de démêler les raisons d’agir de Constance en tout ceci : par des confiscations, par l’exil, il accumule d’abord d’irrémédiables rancunes dans le cœur de Gallus et de Julien ; puis il finit par les flatter, et par tâcher de les adoucir. En 347, voyageant en Asie Mineure, il vint les visiter. Quatre ans plus tard, en 351, leur captivité cessa tout à coup. Constantin et Constant étaient morts ; Constance trouvait le fardeau de l’Empire trop lourd pour lui seul. Il se persuada, avec la versatilité naturelle de son caractère, que seul un prince de sa famille pouvait l’aider à en porter le poids. En 351, Gallus fut fait César, marié à une sœur de l’Empereur, et chargé du gouvernement et de la défense des provinces d’Orient. Quant à Julien, il revint à Constantinople où il continua ses études sous la surveillance de Mardonius, mais en suivant cette fois des cours publics, ceux par exemple du grammairien Nicoclès et du rhéteur Ecebole. Par le sérieux qu’il montrait dans sa tenue et dans ses occupations, par l’intelligence qu’on lui prêtait, il commençait à éveiller l’intérêt autour de lui ; Constance prit peur encore une fois, et l’envoya à Nicomédie.

C’est là qu’il devait rencontrer les maîtres définitifs de sa pensée : « Deux influences païennes, dit M. Allard, s’emparèrent promptement de son esprit déjà préparé peut-être à se livrer à elles. » L’une était celle du fameux rhéteur Libanius, le représentant par excellence de l’hellénisme, l’ennemi déclaré de l’Eglise chrétienne à laquelle il reprochait d’avoir dérangé l’harmonie du monde grec, l’ennemi même de l’Empire romain, puissance demi-barbare à ses yeux, et qui s’était imposée par la conquête à une civilisation supérieure. Julien ne put suivre ses cours, car il en avait reçu de l’Empereur la défense formelle, mais il lut ses ouvrages, interrogea ses auditeurs, et se fit réellement son disciple par la ferveur de l’admiration et de l’imitation.

Libanius était surtout un dévot de littérature ; en éloignant