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Julien de la religion chrétienne, il ne lui fournissait pas l’aliment dont avaient besoin cet esprit inquiet et cette âme vide. Il y avait encore, à cette époque, chez le jeune prince un extrême éloignement pour les idoles, répugnance de délicat, sans doute, que choquaient ces dieux si matérialisés dans leur essence, si vulgaires dans leurs passions et dans leurs appétits, circonscrits et agités comme des hommes. Pour aller de la philosophie qui demeurait sa seule religion et son seul idéal au paganisme effectif, il lui fallait trouver un point de jonction, un pont pour ainsi dire. Le néo-platonisme, émigré d’Alexandrie, et qui avait alors toute sa vogue dans la région grecque de l’Asie, le lui procura ; il consentit à s’incliner devant les dieux, dès qu’il put voir en eux autre chose qu’eux-mêmes, et qu’en les considérant comme les forces secrètes qui animent le monde, il les eut pour ainsi dire spiritualisés ; l’évolution de Julien se fit, dit Libanius, « lorsqu’il eut rencontré des hommes imbus des doctrines de Platon, qu’il eut entendu parler des dieux et des démons, des êtres qui en réalité ont fait cet univers et qui le conservent, qu’il eut appris ce que c’est que l’âme, d’où elle vient, où elle va, par quoi elle est abaissée et déprimée, par quoi elle est élevée et exaltée, ce que c’est pour elle que la captivité et la liberté, comment elle peut éviter l’une et atteindre l’autre. »

Une telle philosophie, comprenant une théologie complète, excluait d’elle-même la foi chrétienne. Il ne peut rien y avoir de commun entre le mystère de la Trinité et les hypostases alexandrines, et le roman mystique de l’âme émanée de Dieu, descendue sur la terre, et s’élevant lentement jusqu’à s’abîmer de nouveau en lui, s’oppose formellement au dogme chrétien de la Rédemption de la chair et du salut individuel. Mais c’était justement ce vague des espérances et ce caractère purement abstrait de la doctrine qui plaisaient à l’imagination rêveuse et à la passivité naturelle de Julien. Il se mit d’abord à l’école d’Eusèbe de Myndes, disciple d’Edésius, et représentant d’un néo-platonisme modéré qui voulait n’appuyer ses conquêtes que sur la foi aidée de la raison. Mais bientôt il apprit en l’entendant combattre qu’il existait une forme plus aventureuse du néo-platonisme, celle que professait Maxime d’Ephèse ; ce n’était rien moins que la théurgie ou, comme nous disons aujourd’hui, l’occultisme, l’appel de la créature à la divinité, une dans son essence multiple dans ses formes, et la réponse de celle-ci, la