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On les divise théoriquement en deux catégories qui répondent à deux degrés de la vassalité.

Dans la première catégorie, — joug le plus doux, — figurent les États musulmans qu’on a laissés debout, parce que leur maintien constitue une économie importante et qu’un geste du gouvernement anglais suffirait pour anéantir leurs dynasties à l’équilibre instable. Ces dynasties n’ont, en effet, aucune racine dans le pays ; elles appartiennent à des races étrangères, comme celles du Nizam[1] où l’on compte 9 millions de Brahmaniques et seulement un million de Mahométans tenant les emplois de toute sorte. Même disproportion dans les autres États musulmans qui comprennent 50 millions de Brahmaniques. Ce fait se reproduit aussi chez les Mahrattes, où les chefs et leur entourage appartiennent seuls à la race de ce nom et qui sont, dit sir L. Griffin, « les représentans de ces hordes pillardes qui transformaient en déserts les plaines fertiles de l’Inde centrale jusqu’au moment où les armées britanniques les écrasèrent et qui n’ont rien de commun avec les peuples qu’ils gouvernent[2]… »

La seconde catégorie, dont les États les plus importans sont le Sugson et le Radjpoutana, est composée de royaumes ayant pour souverains des rajahs qui descendent de lignées millénaires et qui, par le fait qu’ils professent le brahmanisme, sont, au sens hindou du mot, les compatriotes de leurs sujets. Bien que ces monarques n’aient cessé, depuis des siècles, d’être les hommes-liges, tantôt des Mahrattes, tantôt des Mogols (pour ne parler que des temps récens) et que cette longue accoutumance de servitude les rende peu dangereux, le gouvernement britannique croit, néanmoins, prudent de les tenir, de plus près que les autres, sous sa main. Mais, encore une fois, les distinctions entre native states auxquelles je viens de faire allusion constituent des nuances et ne sont déterminées que par le nombre des tours de vis donnés à la machine comprimante.

  1. Le fondateur de la dynastie régnante est le descendant d’un des principaux lieutenans du célèbre sultan Aureng-Zeb, qui s’affranchit de la domination mongole en 1724. Son royaume a pour capitale la grande et belle ville — absolument anglaise — d’Haiderhabad. Sauf le Bhôpal et le Bohawalpam, les autres États musulmans, au nombre d’une vingtaine, sont politiquement insigniflans. Rapport : 125 millions environ. Voyez, au sujet de leur histoire, sir John Strachey, India.
  2. Population : 6 millions et demi ; rapport : 88 millions environ.