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Rome pour obtenir qu’on rattachât à un évêque suisse, à celui de Fribourg, le clergé catholique du canton de Genève. M. Vuarin multiplia les lettres et mémoires pour montrer les dangers de cette substitution ; et la combinaison aurait probablement échoué, si le gouvernement de Genève n’avait pas sollicité l’appui du roi de Prusse. Celui-ci agit si vigoureusement auprès du Saint-Siège, par l’intermédiaire de son représentant, l’historien Niebuhr[1], que Pie VII finit par céder, et, au mois de septembre 1819, un bref intervenait qui transférait à l’évêque de Lausanne, résidant à Fribourg, la juridiction des paroisses catholiques du canton de Genève.

Moins optimiste que Joseph de Maistre, — « Rome va son train, écrivait ce dernier, et avance en reculant, » — et un moment découragé par cet échec, M. Vuarin ne tarda pas à se ressaisir. Très habilement circonvenu par les diplomates genevois, de caractère doux et un peu timide, son nouvel évêque, Mgr Yenni, ne fut pas, pour le curé de Genève, le soutien de tous les instans qu’avait été pour lui l’évêque de Chambéry, Mgr de Solle. Néanmoins, les intérêts du catholicisme n’eurent pas trop à souffrir de ce changement de juridiction : M. Vuarin, toujours sur la brèche, réussit même, en faisant intervenir directement le tsar Alexandre, à faire donner aux Sœurs de la Charité un traitement officiellement inscrit au budget de l’État. Il voulut faire plus encore. L’occasion s’étant présentée pour lui, en 1824, d’aller avec Lamennais à Rome où le mandait le nouveau pape Léon XII, il rêva d’une reconstitution de l’évêché de Genève, soumit cette idée au Saint-Père, qui l’approuva, la fit étudier à fond par une congrégation spéciale, et, sans l’opposition de Mgr Yenni, il est probable qu’elle eût été mise à exécution. Du moins, le gouvernement genevois qui voulait à tout prix se débarrasser de M. Vuarin, — on l’aurait vu nommer avec joie évêque ou cardinal, — ne put-il obtenir gain de cause. « Des cardinaux, j’en trouverai partout, répondit Léon XII ; mais un curé de Genève, où le trouverai-je ? » L’événement devait lui donner singulièrement raison.

La Révolution de 1830, en éclatant, modifia à Genève comme ailleurs les conditions générales d’existence du catholicisme.

  1. Sur la politique religieuse du roi de Prusse à cette époque et le rôle de Niebuhr, à Rome, voyez Georges Goyau, l’Allemagne religieuse : le Catholicisme Paris, Perrin, 1905), I, p. 144-150.