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Enfin l’école nationale, — il nous faut encore noter ce dernier trait, — se complaira, sans jactance mais sans timidité, dans une certaine partialité pour cette patrie même dont elle est, par définition, la servante. L’instituteur ne se demandera pas s’il est conforme à la justice et conforme à la vérité de préférer théoriquement sa propre nation aux nations voisines : ce sont là problèmes d’abstracteurs ; ils marquent la décadence des esprits mêmes qui les posent et une fâcheuse abdication des gouvernemens qui les laissent poser. La préférence qu’on éprouve pour sa patrie est un mouvement spontané du cœur ; elle ne se discute ni ne se réfute ; elle est un fait de conscience ; elle est raisonnable comme l’est un instinct de salut. Lorsque l’écolier quitte les bancs, il doit avoir de son peuple une idée assez haute et assez fière pour n’hésiter point, le cas échéant, à sacrifier sa vie à celle de son peuple. Adulte, il entendra l’officier lui dire : « Tu préféreras à ton propre salut le salut national. » Mais cet acte de préférence, qui peut lui coûter la vie, de quel droit le lui demandera-t-on si, dans l’école, on lui a laissé entendre, ou même formellement soutenu, qu’il est naïf ou stupide de préférer cette patrie même aux autres pays ? Si l’instituteur qui fait œuvre de parti divise contre elle-même l’enfance nationale ; si l’instituteur qui s’oppose à l’officier divise contre lui-même l’organisme national, l’instituteur qui conteste la supériorité de sa patrie amène cette patrie à douter d’elle-même.

Appuyé sur ces principes, nous nous placerons, bientôt, au cœur de la réalité présente, et nous examinerons à quelles suggestions est en butte l’instituteur d’aujourd’hui lorsqu’il veut remplir ses devoirs envers la France.


GEORGES GOYAU.