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JULIE DE LESPINASSE[1]

LA FAUTE


I

En l’an 1772, où nous a conduits ce récit, une des maisons les plus en vogue dans la belle société de Paris était celle de Watelet, financier, fermier général, écrivain et graveur, membre de deux Académies[2]. Cet homme universel, d’intelligence ouverte et de goût délicat, s’était aménagé, aux portes de la capitale, près de la rive gauche de la Seine et non loin du bac de Bezons, une sorte de demeure champêtre qui, par sa nouveauté, provoquait la curiosité et l’admiration générales. C’était l’époque de ce mouvement qui entraînait toute une génération vers « le retour à la nature. » De la littérature, cette mode se propageait aux arts de toute espèce, et notamment au décor des jardins. Aux anciens parcs français, avec leurs allées droites, leurs parterres carrés, leurs charmilles, on commençait à substituer des dessins moins géométriques et des formes plus capricieuses. Le financier Boutin avait donné l’exemple[3] ; il avait même outrepassé le but, accumulant à profusion bosquets, prairies, rochers, cascades, collines au sommet arrondi, « pareilles, selon Walpole, à des puddings aux herbes, » ruisseaux serpentant alentour, et « navigables aisément dans la saison des

  1. Voyez la Revue des 1er et 15 avril, 15 juin, 1er juillet et 1er septembre.
  2. Henri Watelet, né en 1718, membre de l’Académie française et de l’Académie des Beaux-Arts, mort en 1780.
  3. Chronique de Métra, janvier 1775.