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Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 29.djvu/85

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mondain. Sa femme, dona Maria Luisa Gonzaga y Caracciolo, duchesse de Solferino, passait pour une personne d’esprit, bien que médiocrement instruite, affable, un peu futile, passionnée pour le jeu et pour tous les plaisirs de la belle société, faite pour briller dans les cours, n’eût été sa santé fragile, qui l’arrêtait parfois pendant toute une saison. De leur union naquit d’abord une fille, Maria Luisa Pignatelii, qui prit le voile en 1762 au monastère des Salésiennes. Cette naissance fut suivie de celle d’un fils, don José y Gonzaga, qui vit le jour à Saragosse le 19 avril 1744[1], et qui reçut le nom de marquis de Mora, titre traditionnel du premier-né de cette noble maison.

La petite enfance de Pepe, — c’est le sobriquet familier que lui donnent parens et amis, — s’écoula dans l’antique demeure que son père possédait sur le Corso de Saragosse et que peupla bientôt l’arrivée en ce monde de deux autres enfans : d’abord un second fils, Luis Pignatelli[2], puis une fille, dona Maria Manuela[3], laquelle devint par son mariage duchesse de Villa-Hermosa ; nous les retrouverons l’un et l’autre au cours de ce récit. Mora avait dix ans quand, en l’année 1754, le roi Ferdinand VI désigna le comte de Fuentès pour le représenter à la cour de Turin. L’enfant suivit son père ; un précepteur, l’abbé de la Garanne, reçut le soin de son éducation. Le maître était français, l’enseignement le fut également ; et ceci nous explique comment ce rejeton de souche aragonaise put parler et écrire aussi parfaitement notre langue, comment aussi dans son cerveau s’implantèrent, dès cet âge, certaines idées plus en honneur sur les bords de la Seine que sur les rives de l’Ebre ou du Mançanarès.

Il achevait sa douzième année, quand survinrent dans son existence deux événemens également mémorables ; il se maria, et, du même coup, reçut un brevet d’officier dans l’armée espagnole. A vrai dire, mariage et emploi furent tout d’abord plus honorifiques que réels ; mais l’avenir de l’enfant n’en fut pas moins engagé de ce jour. L’épousée, Maria Ignacia del Pilar, était fille du comte d’Aranda, alors ambassadeur en Portugal,

  1. Il fut baptisé le même jour dans la paroisse de San Gil. Il eut pour parrain son aïeul paternel, don Antonio Pignatelli, prince du Saint-Empire.
  2. Il épousa sa cousine Félicité d’Egmont Pignatelli, belle-fille de la célèbre comtesse d’Egmont.
  3. Née le 25 décembre 1753.