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Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 29.djvu/90

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beaux esprits de Madrid lui appliquaient la chanson populaire :


Le dimanche, je la vis à la messe,
Le lundi, je lui envoyai un message,
Le mardi, je l’épousai,
Le mercredi, je la battis,
Le jeudi, elle se mit au lit,
Le vendredi, elle fut administrée,
Le samedi, elle mourut,
Et le dimanche, je l’enterrai.
Si bien qu’en une semaine, je fus garçon, marié et veuf.


III

Aux derniers jours du mois d’octobre, Mora débarquait à Paris, où l’attendaient les siens. L’ambassadeur d’Espagne occupait alors le vieil hôtel Soyecourt, rue de l’Université ; il installa son fils dans l’appartement du second, où il logeait déjà deux de ses secrétaires. Fernando Magallon[1] et le duc de Villa-Hermosa, l’ex-rival de Mora dans les bonnes grâces de Mariquita Ladvenant. L’un et l’autre fort répandus dans la société parisienne, ils se firent les initiateurs de leur jeune compagnon, l’introduisirent dans les salons où ils possédaient leurs entrées. Entre les trois compatriotes s’établit rapidement un lien d’étroite intimité. Magallon, de nos jours, n’est guère connu que grâce aux lettres de l’abbé Galiani, qui l’appréciait et qui l’aimait beaucoup. C’était, autant qu’il y paraît, un homme de quelque esprit, un peu léger, passablement viveur[2], d’ailleurs serviable et de bonne compagnie. Il fréquentait assidûment les cercles encyclopédiques, où ses saillies bouffonnes égayaient les graves entretiens. Quant à don Juan Pablo, duc de Villa-Hermosa, c’était un plus sérieux et plus important personnage. Riche et de grande naissance, il faisait figure à Paris aussi bien qu’à Madrid. Son biographe[3] le représente comme « un homme doué d’une robuste constitution, d’une virile élégance,

  1. Le chevalier Fernando Magallon avait le titre de chargé d’affaires d’Espagne. Il résida longtemps en France et retourna plus tard en Espagne, où il mourut conseiller du Roi.
  2. « Mora, écrit à propos de Magallon l’abbé Galiani, a besoin d’un mentor, et où en trouverait-il un plus complaisant et plus corrompu ? »
  3. Retratos de Antano, par le P. Coloma.