REVUE LITTÉRAIRE
JOSÉ-MARIA DE HEREDIA
L’écrivain qui vient de disparaître a été salué d’un hommage unanime. Les querelles d’écoles se sont tues et chacun s’est efforcé de dire ce que les lettres doivent à l’un des hommes qui dans notre temps les ont le mieux servies. Ceux mêmes qui avaient le moins pénétré le sens de son œuvre, ont eu pourtant l’obscure notion que cette œuvre appelle le respect et se sont inclinés devant elle. Rien ne serait plus faux en effet que de voir uniquement dans l’auteur des Trophées, comme on l’a fait quelquefois, un écrivain amoureux des mots, épris de leur splendeur et de leur sonorité, et soucieux, sans plus, de les apparier pour produire des effets de couleur et d’harmonie. Et rien ne serait plus injuste que d’en louer la facture impeccable, au détriment de l’idée ou de l’émotion. Un pareil éloge est au rebours de la vérité, et, en rangeant le poète parmi les purs stylistes, il lui fait tort de la place originale qui lui revient dans l’histoire de notre poésie moderne. C’est celle qu’il importerait de fixer, mais dont on peut assurer qu’elle ne sera pas médiocre. Car, dès maintenant, ce mince recueil de vers est classé à l’égal des plus fameux. Et, s’il n’avait pas été composé, il manquerait un chaînon à la suite du développement poétique du XIXe siècle. Là seulement on trouve un certain idéal réalisé de façon absolue et amené à son plein aboutissement. L’œuvre de Heredia est sans doute le spécimen le plus accompli, le type achevé d’une certaine conception de la poésie : elle montre ce que peut donner en poésie l’union de la science et de l’art.