ceptes revenaient à recommander le long effort et la sévérité pour soi-même. C’est par là qu’il rejoignait les classiques dont il disait un jour : « Quelle conscience ! Comme ils se sont efforcés de trouver pour leurs pensées les expressions justes ! Quel travail ! Quelles natures ! Comme ils se consultaient les uns les autres ! Comme ils savaient le latin ! Comme ils lisaient lentement ! » Il n’est pas un de tous ces traits dont on ne soit tenté de dire que Heredia ait fait son profit. Mais plus que l’auteur de Madame Bovary et plus que celui des Poèmes antiques et des Poèmes barbares, il a réalisé ce principe qu’eux-mêmes lui avaient signalé. Flaubert est encore tout imprégné, et j’allais dire tout bouillonnant de romantisme. La colère retentit en éclats soudains chez Leconte de Lisle ; et sous l’effort qu’il fait pour se dompter, on sent toujours frémir la sensibilité. Rien de pareil chez Heredia, qui n’a jamais souffert du mal romantique et dont l’attitude, en face des chimères inventées par les hommes pour se tourmenter, a toujours été d’une hautaine sérénité.
Et il ne manque pas de gens parmi nous pour se recommander de la science et pour faire même un effort sincère afin d’en utiliser les notions. Mais ce qui leur fait cruellement défaut, c’est l’esprit scientifique. Ils ignorent qu’on ne s’improvise pas savant, que c’est affaire d’une longue préparation et d’une rigoureuse discipline. Heredia avait été élève de l’École des Chartes. Il était historien et philologue. Il était l’ami de Taine et de Gaston Paris. Il aimait la compagnie des érudits et se façonnait à leur conversation. C’était une partie de son apprentissage de poète. Car il avait compris que dans un temps où l’on ne peut plus exiger de nous la naïveté d’Homère, ce qui la remplace c’est la naïveté du savant. Celui-ci en effet se place en présence de l’objet, sans autre souci que de s’y soumettre. Tout son effort est d’apercevoir les choses en elles-mêmes, sans les altérer en y mêlant sa propre sensibilité, sans les déformer par quelque singularité de sa vision personnelle, et de les rendre telles qu’elles sont. Il ne les surfait pas, ni ne les arrange. Orner la vérité n’est-ce pas lui faire la pire des injures ? D’ailleurs il ne s’indigne ni ne s’irrite, ni ne s’apitoie, et s’assure que tout ce qui est humain possède en soi-même assez d’éloquence pour toucher le cœur des hommes.
C’est de cette manière que J.-M. de Heredia n’a cessé de procéder. Quelque sujet qu’il ait choisi, son premier soin est de l’étudier. Il ne plane pas au-dessus ; il s’installe à l’intérieur et au cœur même. Avant de tirer de l’antique mythologie les médaillons d’Hercule et les Centaures, d’Artémis et les Nymphes, il a commencé par faire de longues