bien aise qu’il trouve ici une expression de ma reconnaissance. S’il est poli, il m’en accusera réception.
Je compatis à tous vos ennuis, et je les sens comme s’ils m’étaient propres. Ne vous découragez pourtant pas ; regardez Dieu, et faites son œuvre pour lui seul, car il n’y a rien à attendre des hommes. — Les Jésuites ont replié leur noviciat sur Fribourg ; ils ne sont plus que 20 à Montrouge, pour se tenir, dit-on, dans les termes de la loi. L’abbé de Rohan[1]remplace le P. Ronsin[2]dans la direction de l’assemblée de la rue du Bac. C’est Frayssinous et l’archevêque qui ont exigé ces deux choses des Rév. Pères. C’était bien la peine de sacrifier et honneur et conscience pour obtenir la protection de Mgr d’Hermopolis. On appelle cela de l’adresse aujourd’hui, de la prudence, de la politique ; et moi je dis que c’est une infâme lâcheté, une détestable hypocrisie, qui attire justement le mépris des hommes et la malédiction de Dieu.
Je travaille, mais moins que je ne voudrais, et qu’il ne le faudrait. Ma santé est toujours très faible, je souffre perpétuellement, et les tracasseries, les chagrins, les contradictions ne me manquent pas. Voilà deux années qui m’ont bien usé ; je ne puis pas, dans mon état, me promettre six mois de vie ; à chaque instant, une nouvelle attaque peut m’enlever. Priez Dieu qu’il me fasse la grâce d’employer pour lui, et pour lui seul, le temps qui me reste. — Si vous trouvez un libraire qui veuille prendre mes livres avec un fort rabais, cela me fera plaisir. Je vous autorise à les donner pour le prix que vous en trouverez.
La peur a gagné, depuis quelques semaines, tous les esprits ; et comme on est tranquille sans savoir pourquoi, et qu’on a peur sans savoir pourquoi, on est extrême en tout. Il y aura une catastrophe, mais pas tout de suite. Les choses ne sont pas mûres. On pourra plus sûrement juger à peu près de l’époque après la session. Les révolutionnaires vont au jour le jour avec l’opinion qu’ils corrompent graduellement, sans aucun plan arrêté, et sans chef de reconnu. Leur succès en sera plus lent, mais plus assuré parce qu’il ne dépendra pas d’un homme.
Adieu, cher et respectable ami, je vous embrasse tendrement.