lui offrir mes tendres et respectueux hommages. Je vous embrasse, mon bien cher ami, du fond de mon cœur.
La Chênaie, 26 février 1836.
Ne doutez point, mon respectable ami, du plaisir que m’a fait la lettre que je viens de recevoir de vous. Elle m’en eût fait davantage encore, si vous m’y parliez de votre santé qu’on m’a dit n’avoir pas toujours été bonne depuis quelque temps, et dont j’aurais souhaité vivement apprendre le rétablissement. Quant à moi, sans être précisément malade, j’éprouve des souffrances presque habituelles et une grande faiblesse : à quoi patience.
Vous sentez qu’il y a des choses dont on causerait volontiers, avec vous surtout, mais sur lesquelles il est impossible de s’expliquer par lettres. Chacun me fait parler à sa guise. La vérité est que, désirant par-dessus tout la paix pour moi et pour les autres, je me renferme, à l’égard de qui serait de nature à la troubler, dans un silence absolu.
Avant que votre lettre me fût parvenue, déjà M. de Senfft m’avait annoncé l’irréparable perte qui désormais fera de sa vie un long et douloureux regret. Je ne puis exprimer à quel point je suis affecté de sa position. Cette solitude complète et d’autant plus profonde qu’elle est tout intérieure, m’effraie et me tourmente comme un rêve pénible. Je ne sache sur la terre aucune consolation à un malheur tel que le sien ; et plaise à Dieu qu’il ne lui ouvre pas prochainement la tombe ! Les douleurs calmes des vieillards ont en elles quelque chose de la mort.
Mon frère me charge de vous transmettre ses souvenirs affectueux. Quoique ses forces aient décliné, il trouve encore le moyen de suffire à des travaux auxquels bien peu d’hommes résisteraient.
Recevez, mon respectable ami, l’assurance de mon dévouement aussi tendre qu’inaltérable.
F. DE LA MENNAIS[1].
- ↑ C’est la dernière fois que paraît dans cette correspondance la signature habituelle. Elle sera remplacée dans la lettre qui suivra par la signature plus démocratique F. Lamennais, que l’histoire adoptera.