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On ne saurait nier le trouble de votre âme. Ce sentiment mérite à la fois de la compassion et de l’indulgence. Il faut, en effet, une force extraordinaire et presque miraculeuse pour sacrifier des pensées qui ont si longtemps dominé dans l’âme tout entière. Mais comment douterions-nous que si, vous étant humilié dans la poussière aux pieds du Christ qui habite dans nos tabernacles, vous implorez l’aide de sa puissance divine à l’appui de la faiblesse humaine, vous ne partiez du lieu saint vous sentant devenu un autre homme et après avoir acquis un pouvoir absolu sur vous-même ?

D’un autre côté, c’est justement le trouble où se trouve votre âme qui vous rend plus difficile de vous soumettre avec foi et sincérité aux paroles du vicaire de Jésus-Christ, car cette perturbation de votre esprit vous empêche de bien saisir le sens des décisions du chef de l’Église. Au lieu de prendre ces décisions dans leur simplicité, comme elles se présenteraient dans le sens naturel qui les a dictées, vous leur ajoutez avec l’imagination beaucoup de conséquences qu’elles ne contiennent point. Il paraîtrait, ce me semble (permettez-moi de dire toute ma pensée), qu’irrité par des raisons, étrangères peut-être au fond même de la discussion, vous désirez une sorte de vengeance. Cet esprit hostile paraît mettre toute sorte de moyens en œuvre, pour mettre dans leur tort ceux que sans raison vous croyez être vos adversaires, c’est-à-dire le Saint-Siège. On dirait que c’est dans ce but que vous imputez à ce siège respectable bien des doctrines qui ne se trouvent ni dans la lettre encyclique du Saint-Père, ni même dans la lettre du cardinal Pacca. Nul doute que vous ne vous soyez persuadé ces choses avant de les écrire ; mais cette persuasion factice, cette illusion où vous vous êtes mis est justement ce qui vous rend d’une difficulté immense une soumission humble et filiale. Vous croyez, et vous donnez à entendre que la lettre de S. Em. le cardinal Pacca proscrit la liberté civile et religieuse. Relisez dans le calme que pourrait vous donner l’idée de la présence de Dieu, relisez, dis-je, alors cette même lettre : tout ce que vous y trouverez de repoussé, ce sont les doctrines du journal « l’Avenir » relatives à la liberté civile et politique ; et cela est bien autre chose. Elles sont blâmées par une raison exprimée dans la lettre même, qui est qu’elles ont une tendance naturelle à exciter et à propager partout un esprit de sédition et de révolte des sujets contre leurs princes. Vous vous