manière à faire croire que c’est en elle que vous mettez toutes vos espérances. Eh ! non, l’Église n’opère et n’opérera jamais ainsi, car son divin fondateur a déjà déclaré que le royaume de Dieu vient sans être observé, et non avec tumulte et avec des ruines. Persuadons-nous bien, mon très cher frère, que personne n’est nécessaire à Jésus-Christ et à son Eglise, et nous, prêtres du Seigneur, dans ce temps de calamités, écoutez la voix du Seigneur qui nous dit : Et vos vultis ire ? Ah ! que notre réponse soit unanime : Domine ad quem ibimus ? Quel sera notre asile si nous abandonnons le Christ et son Eglise ? Est-il possible qu’en nous retirant de l’ordre spirituel nous nous limitions à l’ordre purement temporel ? Cette pensée que je trouve exprimée dans vos écrits m’a fait horreur. Et que peut espérer et chercher dans l’ordre purement temporel un prêtre de Jésus-Christ ? Non, il ne sera jamais satisfait au fond de son cœur ; il sera toujours un malheureux hors de route : il est comme un voyageur dans une forêt déserte, et il y périra faute de nourriture, ou se trouvera sans défense contre les animaux sauvages.
Je n’ajouterai rien de plus. Déjà j’ai été assez long et peut-être importun. Considérez pourtant que cette importunité vient d’une affection pure et sincère et de l’effroi que me causerait la pensée de la perte éternelle d’un confrère. Si vous donnez un instant de considération à cette pensée, si vous élevez avec affection votre cœur vers Jésus-Christ, vous ne résisterez pas plus longtemps à la voix de Dieu qui vous parle sans aucun doute dans l’intérieur de l’âme.
Je suis avec le plus profond respect, de l’abbaye de Saint-Michel della Chiusa, ce 22 mars 1837,
Votre très dévoué serviteur
ROSMINI.
M. Vuarin à Lamennais.
30 mai 1837.
Encore une fois, excellent et très cher ami, vous ne me saurez pas mauvais gré de venir frapper à la porte de votre cœur. Dans une de vos lettres, sous date du 10 avril 1832, vous aviez la bonté de me dire : « Croyez que partout où la Providence me conduira, il y aura quelqu’un qui vous est bien tendrement dévoué. » Je me prévaus de cette protestation d’amitié pour vous