exprimer de nouveau le chagrin cuisant que je continue à éprouver en vous voyant toujours séparé de vos anciens et estimables amis qui vous révéraient et vous chérissaient si tendrement. Il doit en coûter à votre cœur, et votre conscience même doit souffrir de vous voir placé sur une tout autre ligne. Vous me comprenez, mon très cher ami, je n’ai pas besoin de rien ajouter à ce mot. Je n’ai pu approuver les voies dans lesquelles vous avez eu le malheur de vous jeter ; mais je n’ai jamais parlé contre vous ; et j’ai même tâché d’atténuer l’impression pénible, produite par tout ce que vous avez publié, depuis que vous avez fermé votre pauvre cœur à la voix du vicaire de Jésus-Christ. Toujours j’ai prié pour vous et je ne cesserai jamais de le faire jusqu’à mon dernier soupir. Revenez, mon très cher ami, revenez aux principes et aux sentimens que vous professiez en 1826 et qui vous avaient mérité l’estime de l’Europe chrétienne et l’affection de Léon XII. Le bonheur, je veux dire la paix de l’âme, et je puis ajouter la gloire qui est selon Dieu, n’ont pu vous suivre dans votre fâcheux isolement.
Donnez-moi signe de vie, excellent et très cher ami, par un des prochains courriers ; et procurez-moi la seule consolation qui puisse arriver à mon cœur ! Je me suis refusé à croire que vous aviez abandonné et la pratique salutaire de la prière, et la sainte Messe… Que Dieu soit avec vous, mon très cher ami, et vous comble de ses bénédictions !
Votre compagnon de voyage en 1824.
Lamennais à M. Vuarin.
Paris, 9 juin 1837.
Je vous remercie beaucoup, Monsieur et ancien ami, des bonnes et obligeantes choses que vous me dites. Pour ce qui touche mes opinions sur d’importantes matières, vous pouvez regretter, je le conçois, qu’elles diffèrent des vôtres ; mais comme, vous et moi, nous ne cherchons que ce qui est vrai, je ne sache point de remède à cette dissidence, qu’un changement de conviction que je prévois aussi peu d’un côté que de l’autre. Je respecte votre conscience dont je connais la droiture ; mais croyez bien que la mienne, également sincère, n’est pas moins tranquille dans le parti qu’elle m’a ordonné de prendre.
J’ignore si vous avez conservé des relations avec M. de Senfft.