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Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 30.djvu/281

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un voyage à sparte.

trouvent toujours, — fût-ce dans Athènes, à l’époque sublime, — les hommes de génie. Nous ne serons pas si naïfs de nous en étonner. Ce sont des êtres différens, et, par là, s’ils n’ont pas la force et si la foule les aperçoit, elle se jette dessus, car il y a un instinct qui veut l’élimination des « monstres. » Nous tendons à nous représenter les citoyens d’Athènes comme des Sophocle, des Périclès, des Euripide, des Phidias : ce n’est pas plus raisonnable que de croire que les Parisiens de la génération qui nous a précédés étaient des Hugo, des Renan, des Taine, des Puvis de Chavannes ; on peut dire de ces derniers qu’ils suscitaient la plus vive admiration, mais c’est pourtant vrai qu’ils faisaient scandale, déplaisaient, et qu’ils furent dénoncés à l’opinion publique. C’est bon pour le petit groupe de Périclès, pour les Anaxagore, les Archélatis, les Euripide, de comprendre et d’admirer l’Athéna de leur ami Phidias ; quant à la foule, il est dans l’ordre des choses qu’elle préfère la vieille idole en bois, gardée sur l’Acropole dans la petite cella du temple de la Victoire Aptère, et ces hommes, qui portent aux autels des goûts qu’elle ne comprend pas, elle les accusera d’impiété, voire d’athéisme…

C’est déjà un premier et excellent résultat de voir Phidias qui construit son œuvre au milieu des difficultés politiques, au milieu des injustices normales. Cela nous sort d’une atmosphère fastidieuse de féerie, cela raccorde Phidias et son œuvre à nos expériences ordinaires de la vie. Mais je crois que nous pouvons serrer la réalité de plus près et connaître quelques-unes des opinions que l’on professait dans le cénacle où vécut Phidias. A-t-on jamais confronté son œuvre avec les doctrines au milieu desquelles il vécut et qui nous sont parvenues ? Par ce moyen, j’imagine qu’il serait possible de comprendre ses « impiétés, » ou mieux, l’enrichissement qu’il a donné à la religion, ou enfin, pour ne rien préjuger, ses innovations religieuses.

Qu’est-ce qui caractérise l’innovation religieuse de Phidias ? En quoi ses simulacres des dieux contrarient-ils, dénaturent-ils, ou enrichissent-ils, comme nous le pensons, la religion traditionnelle d’Athènes ? Je crois être arrivé à quelque lumière, en écoutant ce qui se dit chez Périclès.


En ce temps-là, un homme était venu dans Athènes, Anaxagore, qu’on appelle Anaxagore l’athée.