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Il était athée, c’est-à-dire qu’il ne concevait pas Dieu exactement comme on avait fait l’avant-veille.

Dans la première conception des Grecs, les hommes et les dieux ont une même origine : ils sont nés de la terre ; l’Hellène voit dans la nature des êtres vivant et sentant comme lui, des forces, qui se livrent des combats incessamment variés. Ces dieux personnifient les diverses sensations du peuple hellène devant les phénomènes de la nature.

Cette conception n’est plus celle de Phidias. Que s’est-il donc passé ?

Je prie que l’on écoute les idées d’Anaxagore et qu’on les évoque sur l’Acropole ; on comprendra mieux la construction de Phidias. En plaçant au cœur de ses statues la magnifique pensée des philosophes physiciens, on les éclaire.

Anaxagore disait que la cause motrice du monde était le νοῦς, l’intelligence. C’est cette intelligence qui, par les soins de Phidias, préside sur l’Acropole dans l’effigie d’Athéna.

Le νοῦς n’est qu’une force de la nature, il n’agit que comme tel : il n’y a aucune trace d’une intervention de la divinité dans le cours du monde. Le rôle qu’Anaxagore donne à l’intelligence (et Socrate s’en plaint amèrement), ce n’est pas d’organiser le monde, c’est de le sentir. L’intelligence n’a pas créé le monde ; elle est un mode de l’existence, une qualité du corps de l’homme vivant. Que dis-je, une qualité de l’homme vivant ! S’en tenir là serait fausser la conception d’Anaxagore et restreindre la présidence d’Athéna. L’intelligence est une force qu’Anaxagore attribue à tous les êtres. Même chez les végétaux il constate des sensations, des désirs, des perceptions.

(Que j’aime, à la lueur de ces idées familières à Phidias, regarder les aimables et fiers chevaux, les fortes bêtes du sacrifice ! Et comme Charles Maurras est justifié du sentiment fraternel qui le poussait, l’obligeait à embrasser les belles colonnes !)

Toutefois l’homme est le plus intelligent des animaux. Anaxagore en donne la raison : « L’homme est le plus intelligent des animaux parce qu’il a des mains. » Observation saisissante ! Si les plantes, les animaux, les hommes participent à l’intelligence universelle, ils ne sont pas tous également à même d’en user : un bon corps permet mieux d’agir au νοῦς qui est dans tous les êtres. Chez un homme, il y a d’autant plus de