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Licuit semperque licebit
Signatum præsente nota producere nomen.


J’aimerais, là-dessus, pour terminer une question dont je pense qu’on voit maintenant l’importance, qu’en regard du précieux Lexique méthodique où M. Gohin a rassemblé tous les « néologismes » qui se sont fait jour de 1740 à 1789, — et dont il n’y a pas, je pense, la moitié qui [soient demeurés en l’usage, — quelqu’un dressât, sur le même plan, le Lexique des mots qui se sont introduits dans la langue depuis 1647 [Remarques de Vaugelas], jusqu’en 1696 [huitième édition des Caractères de La Bruyère]. Ils seraient peut-être plus nombreux qu’on n’a l’air de le croire.

Ce que l’on peut seulement dire, et qui sera parfaitement vrai, c’est qu’au cours de cette période, de 1647 à 1696, les « bons écrivains, » — et je désigne ainsi, tout simplement, ceux que nous réputons encore aujourd’hui les meilleurs, — préfèrent, à la « création » de mots nouveaux, des manières nouvelles d’assembler les mots consacrés par l’usage :


Ces murs même, Seigneur, peuvent avoir des yeux :


ou encore,


L’imbécile Ibrahim, sans craindre sa naissance,
Traîne dans le sérail une éternelle enfance ;


ou encore :


L’implacable Athalie, un poignard à la main,
Rit du faible rempart de nos portes d’airain.


Nous savons de nos jours que le propre de ces « alliances de mots, » — qui ne sont, ni, en un certain sens, moins fréquentes, ni, en un autre sens, moins rares chez Hugo que chez Racine, — est généralement de ne pouvoir être détachées de leur contexte, transposées, et imitées. Les yeux d’un mur ! cela ne veut rien dire hors de sa place, en dehors du vers de Racine, ne serait qu’une fausse élégance dans un vers même de la Henriade ! et pour l’expression de : craindre sa naissance, nous ne l’entendrions seulement pas en dehors de son contexte. C’est ce que n’a pas su le XVIIIe siècle, et, comme le fait remarquer justement M. Gohin, là même est l’une des raisons de la faiblesse du « style poétique » de Voltaire et de son école. Quant au