Epîtres les plus compassées, non le Boileau des Satires ou le Boileau du Lutrin, qui sont un Boileau « réaliste ; » et. de Bossuet, les Sermons leur sont naturellement inconnus, — puisqu’ils ne paraîtront qu’en 1772, pour permettre à La Harpe de les déclarer « médiocres, » — mais nos grammairiens ne paraissent avoir lu ni les Elévations, ni l’Histoire des Variations, ni les Avertissemens aux Protestans, et Bossuet n’est pour eux que l’orateur des Oraisons funèbres et du Discours sur l’Histoire universelle. Le Discours sur l’Histoire universelle, les Oraisons funèbres — quatre Oraisons funèbres, car, des six, encore fait-on mine d’en excepter deux ; — l’Art Poétique, les Epîtres, et neuf tragédies de Racine, car on retranche l’Alexandre et la Thébaïde, telle est donc la base étroite sur laquelle s’élève l’édifice grammatical du XVIIIe siècle. Il n’est pas encore tout à fait renversé.
Certes, on le pense bien, ce n’est pas nous qui nous plaindrons que l’on fasse à Bossuet et à Racine, ou même à Boileau, la place trop large dans l’histoire de la langue française ! Nous-en laisserons le soin à M. Salomon Reinach. Mais, d’un autre côté, nous ne pouvons nous empêcher de déplorer une conséquence au moins de ce fâcheux exclusivisme, si rien n’a contribué davantage à répandre dans les esprits, et, depuis cent cinquante ans, à fortifier les idées très fausses que l’on se forme de la littérature, et même de la langue française du XVIIe siècle. Je ne donne point ici de rangs ni n’exprime de préférences ! Mais enfin, comme historien de la littérature, je ne puis oublier que le siècle de Bossuet est aussi le siècle de Pascal, de Nicole, de Malebranche, de Bayle, de Descartes et d’Arnaud, dont ni la langue ni le style, qui d’ailleurs ne se ressemblent guère entre eux, ne sont le style, ou la langue des Oraisons funèbres ; et, s’il y a Racine, je ne puis oublier qu’il y a Saint-Amant, il y a Scarron, il y a Cyrano de Bergerac, il y a d’Assouci, il y a Dancourt, il y a Dufresny. Pouvons-nous les supprimer ? Pouvons-nous supprimer Le Sage et Mme de Sévigné ? Retz et La Rochefoucauld ? Pellisson ? Mlle de Scudéri ? Regnard et Quinault ? La Fontaine et Molière ? Bourdaloue ? La Bruyère et Fénelon ? J’allais oublier la Princesse de Clèves et les Contes des Fées ; Bouhours et Fontenelle ; les Mémoires de Grammont et les traductions de Mme Dacier. Et encore je ne remonte guère au-delà de 1650 ! Si je remontais au-delà de 1650, l’énumération ne finirait jamais. Je l’ai dit bien souvent, mais je veux le redire encore :