Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 30.djvu/364

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

celles de l’Académie et de Th. Corneille sur Vaugelas, et de celles de Bouhours, Ménage, Andry de Boisregard, Bellegarde et Gamache ! » Les belles autorités ! et qu’en vérité ce Gamache avait donc de grâce à relever des « incorrections » ou de vrais « solécismes » dans les Empires, je suppose, ou dans Iphigénie ! Cependant, et M. François a raison d’en faire la remarque, « c’est par là surtout, — par Bellegarde et par Boisregard, — que les grammairiens du XVIIIe siècle restent en contact avec la langue de la belle époque, mais cette langue est la langue des puristes, et non celle des chefs-d’œuvre, ce qui n’est pas tout à fait la même chose. » Mais à défaut de tout cela, tradition, usage, autorités, nos grammairiens ont une ressource et un recours suprême : c’est la « raison, » la « raison raisonnante, » la « raison encyclopédique. » Les vrais classiques, les seuls, seront ceux dont la façon d’écrire sera trouvée le plus conforme aux décisions de la raison ; et ainsi va s’achever la « transformation de la langue, » par l’avènement et sous l’influence de ce pouvoir nouveau. C’est la dernière et troisième étape. Vaugelas, lui, avait écrit : « Ceux-là se trompent lourdement, et pèchent contre le premier principe des langues, qui veulent raisonner sur la nôtre et qui condamnent beaucoup de façons de parler.. » parce qu’elles sont contre la raison[1]. »

Donnons un exemple de cette application de la raison, telle que les grammairiens l’entendent, aux choses de la langue. On connaît ces vers de Malherbe :


La mort a des rigueurs à nulle autre pareilles,
On a beau la prier,
La cruelle qu’elle est se bouche les oreilles,
Et nous laisse crier.
Le pauvre, en sa cabane où le chaume le couvre
Est sujet à ses lois ;
Et la garde qui veille aux barrières du Louvre
N’en défend pas les rois.
  1. Dans cet ordre d’idées, Vaugelas va si loin que, « contrairement à la raison, », et infime à l’étymologie, il ne craint pas de déclarer qu’on doit dire Péril Eminent, et non Péril Imminent, parce que tout le monde le dit, et que « l’erreur n’est pardonnable à qui que ce soit, de vouloir, en matières de langues vivantes, s’opiniâtrer pour la raison contre l’usage. »
    C’est d’ailleurs ainsi que de nos jours l’usage est presque consacré de dire Emérite pour Distingué ; il s’établit, en ce moment même, de dire Fruste pour Mal dégrossi ; et nous le verrons sans doute se répandre de dire Compendieusement pour Interminablement.