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suivant une longueur d’axe justement égale à la largeur de l’étoffe à laquelle elle est destinée[1]. »

Vient ensuite le pliage. Il s’agit d’enrouler la chaîne sur l’ensouple ou rouleau, qui alimentera le métier à tisser, dans la largeur que doit avoir l’étoffe, bien parallèlement et avec une tension égale. Quand tous les fils sont uniformément tendus, impeccablement parallèles, et chaque fil à sa place, la chaîne est bonne et prête pour le tissage. Du tissage même, il n’y a assurément rien à dire qui n’ait été dit, si ce n’est quant à l’allégement de la peine, et je le dirai en son lieu ; après le tissage, il ne reste que les apprêts, mais il y en a autant et plus que de genres d’étoffes : finissage, polissage, pincetage, déjumellage, cylindrage, rasage, grillage ou flambage, encollage, gommage, glaçage, gaufrage,… tous ces tours de main, d’où sortent, en uni, les taffetas, les sergés, les satins et les velours, parmi les façonnés, les lampas, les satins lamés, les droguets, les brocatelles, les brocarts ; enfin, métrage et baguetage ou pliage final.


IV

A ces diverses, opérations, nécessaires, préliminaires ou consécutives au tissage de la soie, correspondent autant de catégories, de spécialités d’ouvriers, ou plutôt d’ouvrières, car l’usine D… n’emploie guère outre le patron, les trois directeurs (un à la préparation, deux à l’atelier), les commis et les machinistes, que cinq ou six gareurs, sortes de mécaniciens tisseurs qui font ce qu’une femme ne pourrait pas faire, et notamment les réparations aux métiers, lorsque quelque chose s’y dérange ; cinq ou six apprêteurs, cinq ou six polisseurs ou finisseurs de tissus. C’est, à eux seuls, tout le personnel masculin. Les femmes sont partout ailleurs, et partout indifféremment, sans distinction d’âge : au moulinage de la trame avant le départ du fil pour la teinture, dévideuses, doubleuses, moulineuses, flotteuses, plieuses ; au retour de la teinture, dévideuses encore, ourdisseuses, canneteuses, remetteuses, tordeuses, monteuses de métier pour façonnés, tisseuses) après le tissage, pinceteuses[2]. La plupart,

  1. Léo Vignon, ouvrage cité, p. 291.
  2. On dit ailleurs épinceteuses. J’ai même cru entendre dire à Elbeuf épingleuses, mais je n’en suis pas sûr, et peut-être était-ce « épinceteuses » qu’on disait.