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cannetage : c’est le chargement ou la charge des cannettes. Dans le cas où les fils enroulés sur le roquet doivent servir pour la trame, une ouvrière, la canneteuse, réunit le nombre de fils fixé par le fabricant ; elle les enroule sur un tuyau, petit cylindre en jonc, en buis, en canne ou en roseau, qui viendra, à son tour, charger la navette du tisserand, et qui en effet s’y glisse comme la cartouche dans le magasin du fusil : le tuyau couvert de soie prend le nom de cannette.

Ainsi que le cannetage est la préparation de la trame, l’ourdissage est la préparation de la chaîne : il a pour objet de juxtaposer, parallèlement et avec une tension uniforme, les fils de même longueur, en nombre déterminé, — musettes de quarante fils, portées de quatre-vingts, etc., — qui composeront la chaîne, en leur gardant leurs places respectives, sans quoi les fils pourraient s’entremêler et le tissage deviendrait impossible. (Comme s’éclaire et s’explique soudain, se dégage dans toute sa force l’expression : ourdir un complot ! ) L’appareil à ourdir se nomme naturellement l’ourdissoir : c’était et c’est généralement encore, dans les petits ateliers, un grand tambour, creux, cylindrique, de deux mètres de haut, dont l’axe doit être parfaitement vertical. L’ouvrière donne à l’ourdissoir un mouvement de rotation au moyen d’une manivelle. Elle enroule d’abord la première musette du haut en bas sur le tambour, puis elle juxtapose une seconde musette en remontant de bas en haut et continue ainsi jusqu’à ce que le nombre voulu de musettes ou de portées ait été mis sur l’ourdissoir… Il est essentiel, dans l’ourdissoir, de conserver à chaque fit son rang déterminé ; les fils doivent être assez distincts les uns des autres pour qu’on puisse retrouver la véritable place des fils qui se cassent. Lorsque l’ourdissoir a reçu un nombre suffisant de musettes, l’ouvrière lève la chaîne et l’enroule autour d’une cheville en un peloton très serré[1]. » A l’usine D…, on se sert de préférence d’un modèle plus récent, où le tambour est horizontal, peut tourner autour de son axe et progresser en même temps suivant une direction parallèle à cet axe. « Avec ce modèle perfectionné, la juxtaposition exacte de chaque musette est assurée par le passage des fils au travers des dents d’un peigne qui règle la largeur d’enroulement. Les dimensions du tambour sont telles que la chaîne se trouve répartie

  1. Léo Vignon, ouvrage cité, p. 288-289.