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à l’enfant comment on mate sa bonne d’abord, et l’univers ensuite, et elle y réussit d’autant mieux que les légionnaires sont arrivés pour lui prêter main-forte. A ce moment, quoique l’histoire lui donne vingt et un ans, elle n’en a que huit ; à la fin du dernier acte, quoique l’histoire lui en donne toujours vingt et un, elle en a trente. Mais c’est, à tous les instans de la pièce, une Anglaise de notre temps : impertinente, autoritaire, sensuelle. César est une figure vague et crépusculaire, un rêveur shakspearien, qui disserte et dort debout au milieu du danger. Toute sa politique consiste dans la clémence, et l’on ne voit pas qu’il s’en serve à son avantage. Il est trop papa avec Cléopâtre, c’est le ton du vieux marcheur, et "il n’en est pas encore à cette étape-là.

En somme, cette pièce ne pourrait se soutenir que par deux choses : l’imagination poétique ou le sens historique. Or, elle ne contient ni l’une ni l’autre. Elle suit cahin caha l’ordre des événemens racontés dans le De bello Alexandrino ; mais l’esprit, l’âme de ces événemens, elle ne les fait ni comprendre ni pressentir. En revanche, une infinité de types modernes et d’allusions contemporaines détruisent toute impression d’antiquité. César est flanqué de deux séides : un grognard qui manque de respect à son empereur, mais qui est prêt à se faire tuer pour lui ; un jeune secrétaire ramené de l’Ile de Bretagne, qui est la correction même et qui n’a que le mot de « convenance » à la bouche. Avec un faux-col et un parapluie, il ressemblerait à tous les Anglais qui passent dans Piccadilly. Un esthète se promène à travers la pièce, distillant des phrases ruskiniennes. Nous voyons passer devant nous avec stupeur les formules qui ont été dans toutes les bouches de 1885 à 1895 : « La paix avec honneur, l’Egypte aux Egyptiens, la femme nouvelle, l’art pour l’art. » César dit à Cléopâtre : « Vous voulez faire parler un guéridon. Comment ! Sept cents ans après la fondation de Rome, il est encore question de tables tournantes ! » Voilà de ces mots qui eussent fait la joie et l’orgueil du maestro Hervé, auteur de Chilpéric et de l’Œil crevé. Aux lecteurs d’outre-Manche ils doivent rappeler les beaux jours des Burlesques, où triomphaient Byron et Burnand.

Je ne m’arrêterai guère au Devils Disciple, mélodrame outrageusement mal construit. La couleur historique et locale en est très faible. Les puritains, mis en scène d’une manière assez