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amusante, sont censés vivre dans le New-Hampshire au temps de la guerre de l’indépendance américaine, mais ils pourraient également vivre dans le Hampshire vers le commencement du règne de Victoria. Le général Burgoyne, qui entre inopinément dans l’action au moment où elle s’approche du dénouement et qui la remplit de ses impertinences raffinées, est une caricature plutôt qu’un portrait. La pièce, ai-je dit, est un mélodrame. En effet, elle repose sur une antithèse artificielle et qui ne paraîtrait pas très neuve à la Porte-Saint-Martin ou à l’Ambigu. Mais là, du moins, elle aurait la chance d’être traitée avec ce savoir-faire, ce doigté d’escamoteur qu’on appréciait à l’ancien boulevard du Crime et que M. Bernard Shaw est loin de posséder. Le sacripant sans mœurs, le « disciple du diable, » se laisse prendre et va se laisser pendre à la place de l’homme de Dieu, qui profite de ce dévouement et s’enfuit de toute la vitesse de son cheval. Cette lâcheté provoque une révulsion soudaine dans les sentimens de sa femme, la belle Judith. Elle s’aperçoit qu’elle aime ce gredin héroïque dont elle croyait avoir horreur. Elle va le lui dire dans sa prison où elle pénètre sans difficulté, car tous croient que le condamné est son mari. Mais la lâcheté du ministre n’est qu’apparente. Un instant a suffi pour faire de lui un soldat, un homme d’action. Il revient à la tête d’une force considérable qui décide la capitulation de Saratoga. Par là il sauve la vie de son sauveur. Tout est bien qui finit bien, à condition qu’il ignore toujours le drame qui s’est joué, pendant une nuit, dans l’âme de sa Judith. Telle est la situation. Elle a fourni à M. Bernard Shaw une minute émouvante, la seule qu’on trouve dans tout son théâtre où il y a tant d’esprit et si peu d’émotion. Passé cette minute, il recommence à gambader et le mélodrame se dissout en farce.

The Man of Destiny nous raconte, avec une verve et une originalité singulières, une aventure imaginaire du général Bonaparte, au lendemain de la victoire de Lodi.

Voici en quoi consiste l’aventure. Bonaparte a des inquiétudes sur ce qui se passe, en son absence, dans la petite maison de la rue Chantereine. C’est pourquoi il a envoyé un officier de confiance, avec le meilleur cheval de l’armée, au-devant du courrier de Paris qui doit lui apporter certaines révélations Mais s’il a intérêt à les lire, d’autres ont intérêt à l’en empêcher. Une jeune dame fort entreprenante s’est donné à elle-même, ou