mauvais offices. Un député qui ne peut promettre des places que dans la cité future, ce n’est guère plus inquiétant qu’un prédicateur qui donne des assignations sur le ciel.
Pour se faire une idée des forces actuelles du socialisme allemand, il faut aller voir à Berlin le palais du nouveau Reichstag. Dans tous les ordres de la connaissance, nos plus sûrs moyens d’information sont la vue des lieux, le langage révélateur des monumens : il y a des vérités qu’une ville, un paysage nous crient d’emblée. Lorsqu’un journal nous raconte au loin les victoires électorales des Sozialdemocrates et les formidables assauts qu’ils donnent à la tribune du Parlement, nous sommes tentés de croire qu’ils emporteront la place à brève échéance. Allez à Berlin, regardez ce lourd palais du Reichstag, dominé par les médaillons des trois premiers empereurs, serré dans le cadre de monumens patriotiques et militaires où il semble qu’une ironie de l’architecte l’ait emprisonné. Qu’aperçoit-on des fenêtres du Parlement ? L’épopée : la colonne triomphale, l’Allée de la Victoire, les statues des fondateurs de l’unité, Guillaume, Moltke, et le Bismarck tout proche, appuyé sur son Atlas et son Siegfried. Les tirades échauffées des parlementaires viennent mourir aux pieds de ces contradicteurs de bronze, elles n’entament pas leur gloire et leur vigueur toutes neuves. Ceci comprime cela. On me répondra que nos pères ont vu, à Versailles, un régime royal balayé par le flot révolutionnaire, dans le sanctuaire même où chaque pierre proclamait l’ancienneté, la grandeur et les gloires de ce régime. Mais il était à demi mort : ces perbsues témoins ne témoignaient plus que d’une irrémédiable usure, les âmes appartenaient tout entières à un jeune idéal. À Berlin, les trophées et les champions du nouvel empire viennent de surgir sur la place où ils cernent le Parlement ; ils sont encore dans la fleur d’un prestige tout-puissant sur les imaginations : j’ai dit plus haut comment il s’accroît et se consolide. Il déclinera sans doute avec le temps : mais pour ce qui est des jours prochains, croyons-en cette suggestion des lieux plus communicative de vérité que toutes les appréciations intéressées des hommes : ceci comprimera cela ; les socialistes allemands seront jusqu’à nouvel ordre, sinon apprivoisés, du moins encagés dans l’épopée, comme le sont dans leurs enclos les fauves de M. Hagenbeck.
Il n’est pas besoin de présenter M. Hagenbeck à ceux de nos lecteurs qui achètent habituellement des lions ou des tigres ;