Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 30.djvu/447

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LA FLUTE ET LA SOURCE


J’ai retrouvé, ce soir, ma flûte d’autrefois.
Elle est lisse et légère aux mains. Je me revois
Comme jadis, debout et la tige à la bouche,
Le dos contre le tronc d’un pin, près de la source
Dont l’onde, en s’écoulant, guidait mon jeune jeu,
Si bien que ma chanson imitait peu à peu
Son rythme, ses frissons, son murmure, sa voix ;
Et mon regard suivait la gamme de mes doigts
Tandis que se mêlaient les bruits, à mon oreille,
D’une feuille, du vent, d’un oiseau, d’une abeille…
Jours heureux ! Mon désir voudrait entendre encore
Votre écho qui sommeille en la flûte sonore :
La voilà. Je l’appuie à ma lèvre ; c’est bien
Ainsi… mais où donc est le bruit aérien
De la feuille et l’oiseau et le vent et l’abeille
Et la source qui murmurait à mon oreille ?
Où donc est tout cela qui jadis m’inspirait,
Et le pin au tronc rouge, et la verte forêt,
Et Les heures d’alors et moi-même et pourquoi
M’avoir fait, Dieux cruels, Dieux méchans, Dieux sournois,
Qui riez du vain souffle où mon soir s’évertue,
Retrouver le roseau, si la source est perdue ?


SAISONS


Le Printemps, dans les fleurs, monte vers la lumière
Et frappe au palais rouge où rit le jeune Eté,
Et l’Automne, au pas lourd, qui regarde en arrière
Descend avec lenteur vers l’Hiver redouté.

Les laines où, jadis, on tissa vos visages,
Sont brillantes toujours et vives, ô Saisons,
Et chacune de vous, parmi son paysage,
Ajoute son emblème au mur de la maison.