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Tes yeux, ô mon enfant, sont beaux en ton visage
Que l’aurore salue et qu’éveille le jour,
Et l’innocent orgueil de ton jeune courage
Sourit en ton regard qui n’a pas vu l’Amour.

Mais lorsque, sur ta lèvre ayant posé sa bouche,
Entre ses mains, dans l’ombre, il aura pris ta main,
Et que tu garderas, enivrée et farouche,
L’image dans tes yeux de ce passant divin,

Alors, si tu veux boire aux plus fraîches fontaines,
Ta soif n’y trouvera qu’une source de feu,
Parce que dans leurs eaux qu’échauffa son haleine
Se sera reflété le visage du Dieu.

Et tu t’éloigneras, silencieuse et grave,
Avec tes doigts ardens sur ton cœur enflammé,
Et le sol brûlera ton pied comme une lave
Et tu seras plus belle encor d’avoir aimé.


HENRI DE REGNIER.