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REVUE DRAMAMTIQUE

LE SUICIDE AU THÉÂTRE

On a bien raison de dire que les modes vont vite dans la littérature d’aujourd’hui. Il y a cinq ans à peine, un des plus brillans et des plus vigoureux parmi nos auteurs dramatiques, fatigué d’entendre qualifier de pessimistes les pièces de ses contemporains et les siennes, publiait une étude : Pessimisme et Théâtre, où il retournait le reproche contre le théâtre de la génération précédente. A l’appui de sa thèse il invoquait les dénouemens sanglans de plusieurs des comédies d’Augier, de Dumas, de Feuillet, ces meurtres, ces suicides, ces trépas devenus coutumiers, ces cadavres jonchant la scène. Il rappelait les toxiques, les armes blanches, les arsenaux domestiques, la fumée de mousqueterie qu’on s’était habitué à respirer à chaque cinquième acte. À ce théâtre dont on eût dit un vrai champ de carnage, un immense cimetière, il opposait nombre d’œuvres dramatiques nouvelles qui semblaient vouloir par leurs conclusions diminuer la mortalité à la scène. Il concluait qu’en cela du moins le théâtre présent est plus optimiste que celui qui l’avait précédé. Et peut-être, au moment où il achevait cette étude à la louange des auteurs qui ont le respect de la vie humaine, déjà s’ébauchait dans sa tête la fable du Dédale, qui devait finir par un spectacle doublement meurtrier, puisque le suicide s’y complique d’un meurtre. Car, nous avons oublié de le dire, c’est M. Paul Hervieu qui, en 1900, prenait si nettement parti contre les dénouemens par le poison, par le fer et par le feu.

Si M. Paul Hervieu a été promptement amené à se mettre lui-même en opposition avec la théorie de la comédie à dénouement pacifique, que dire de l’étrange phénomène auquel nous assistons depuis