bateaux très militaires d’aspect, bien tenus, manœuvres avec aisance.
J’en vois un plus vénérable dans le musée des antiquités du Schleswig. On a découvert en creusant le port, on a renfloué une de ces barques étroites et longues qui portaient à travers le monde les Vikings Scandinaves. Elle conserve encore les bancs de ses vingt-huit rameurs et quelques-uns de ses agrès. Ces barques ont conquis l’Angleterre, remonté la Seine, assiégé Paris ; elles ont rançonné les côtes méditerranéennes, comme l’attestent les monnaies arabes qui remplissent les vitrines. Ironie du sort ! La relique des conquérans danois est aujourd’hui prisonnière dans la province perdue qu’ils n’ont pu défendre.
Le président du canal maritime Kaiser Wilhelm, qui relie la Baltique à la mer du Nord, veut bien m’y conduire à bord de son petit bâtiment et m’expliquer les particularités de ce beau travail. Il serait irréprochable, si des considérations d’économie mal entendue n’avaient fait préférer un tracé sinueux au tracé en ligne droite : la nature du terrain permettait d’établir ce dernier avec un peu plus de dépense. Erreur de calcul qui diminue les facilités et les sécurités dont la navigation rapide a besoin, sous un climat de brumes, durant les longs mois d’hiver. Le transit n’est actif que dans la belle saison ; de 50 à 60 bâtimens par jour, en moyenne. Ceux qui entrent avec nous viennent de la Baltique, chargés pour la plupart des bois de Russie et de Suède : ils franchissent à Holtenau, entrée du canal de Kiel, des écluses rendues nécessaires par la différence des marées entre les deux mers ; ils croisent aux garages les bateaux qui portent les marchandises de Hambourg aux riverains de la Baltique. Après un parcours de 99 kilomètres, ils sortent par l’écluse de Brunsbuttel, dans l’estuaire de l’Elbe. Machines, règlemens, services techniques, tout révèle l’esprit organisateur et l’ordre ponctuel dont les Allemands sont coutumiers. J’épargne au lecteur les chiffres et les renseignemens spéciaux qu’il trouvera ailleurs. Une pensée stratégique a présidé au creusement du canal : on en saisit sur place la justesse. En quelques heures, l’escadre de Kiel peut aller couvrir l’Elbe et la Weser, Hambourg et Brême. La promenade est agréable sur le fleuve artificiel : les hautes arches des viaducs qui portent les trains l’enjambent avec une hardiesse pittoresque, des pentes forestières l’encadrent, des restaurans juchés sur les collines l’égaient. Mais leur animation ne