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interprétée à diverses reprises et toujours dans le même sens, à savoir que les fonctionnaires qui ne sont pas à proprement parler des ouvriers ne peuvent pas se syndiquer. C’est dans cet esprit que M. le ministre de l’Instruction publique a rédigé l’espèce de consultation qu’on lui demandait. Elle était bien faite, et très propre à éclairer les instituteurs s’ils avaient cherché seulement à être éclairés ; mais c’était le dernier de leurs soucis. Ils voulaient une approbation : ne l’ayant pas obtenue, ils ont décidé de passer outre et ont formé des syndicats. Hâtons-nous de dire que les instituteurs dont nous parlons ne sont qu’une petite minorité ; mais, si on les laissait faire, ils deviendraient probablement bientôt la majorité. Le gouvernement l’a compris : il les a traduits devant les tribunaux correctionnels comme coupables de délits contre la loi de 1884. C’est là-dessus qu’il a été interpellé.

La réponse était facile. S’il y a des fonctionnaires qui sont évidemment de simples fonctionnaires et non pas des ouvriers, ce sent les instituteurs : par conséquent, s’il est vrai que la loi de 1884 est faite seulement pour les ouvriers, elle n’est pas faite pour eux. Telle est la thèse qu’a soutenue M. Rouvier : il a ajouté qu’il n’appartenait ni à la Chambre, ni au gouvernement, d’interpréter la loi, mais aux tribunaux. Les tribunaux étaient saisis : il fallait attendre leur jugement. Les radicaux socialistes s’y sont refusés. D’après eux, la loi de 1884 s’appliquait aux instituteurs comme aux ouvriers, comme à tout le monde, et si on en doutait, si le texte de la loi n’était pas assez clair, ce n’était pas aux tribunaux qu’on devait s’adresser pour l’éclaircir, mais au Parlement lui-même. M. Rouvier avait beau dire qu’il y aurait là une regrettable confusion des pouvoirs ; on lui répondait qu’il n’en était rien, que la Chambre était déjà saisie d’un rapport de M. Barthou sur les modifications à introduire dans la loi de 1884, et qu’il suffisait, après avoir mis ce rapport à l’ordre du jour, d’interrompre les poursuites contre les instituteurs pour concilier tous les intérêts en cause et dégager la situation des obscurités qui l’enveloppent. C’est là-dessus qu’on s’est disputé.

Quel est donc ce rapport de M. Barthou auquel il a été fait si souvent allusion, et que peu de personnes connaissent bien ? Il s’agit, croyons-nous, d’un rapport qui propose au nom de la Commission du travail, le remaniement et la codification de tout un ensemble de lois ouvrières. La question de savoir si les fonctionnaires peuvent former des syndicats y est traitée avec beaucoup d’autres. Comment y est-elle résolue ? Le droit au syndical est reconnu aux ouvriers de l’État. Quant aux fonctionnaires qui ne sont pas des