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On comprend aisément d’ailleurs qu’un État en voie de croissance, qui se sent capable d’un développement plus large que ne le permettent les conditions auxquelles le condamne le droit public européen, tende à s’en dégager et à remplir les destinées auxquelles il se croit appelé. S’il en a réellement, la force et les moyens, il y réussira nonobstant les vicissitudes des luttes qu’il aura à soutenir, et quel que soit le rôle que le hasard y joue. Et, la guerre terminée, si la paix qui en consacre les résultats est équitable, on verra, toujours ce pays prendre un nouvel essor de prospérité en développant les forces latentes que des conditions politiques défavorables l’empêchaient jusque-là de faire valoir.

Le soin de tirer parti de toutes les forces d’un pays pour les faire servir à l’avantage de sa position internationale est dévolu à la diplomatie.

C’est aux diplomates qu’il appartient de se mettre bien au courant des ressources du pays qu’ils représentent, aussi bien que de celles dont disposent les autres, et d’en profiter habilement pour servir la cause de la paix, c’est-à-dire, pour amener, par la voie d’ententes amiables, le maintien ou le rétablissement de l’équilibre qui, par la force du mouvement international et des progrès que font les divers pays, tend toujours à osciller et menace continuellement d’être renversé.

Mais un pareil travail ne peut se faire avec succès que dans certaines limites.

La diplomatie de Metternich avait réussi pendant près d’un demi-siècle à conserver à l’Autriche la position prépondérante qui lui avait été assurée par les traités de 1815, mais l’écroulement de l’ancienne puissance de la monarchie des Habsbourg a été d’autant plus violent… A son tour, la Prusse a vainement tâché, pendant de nombreuses années, de prendre pacifiquement la place qu’elle croyait lui revenir, tant au sein de la Confédération Germanique que dans les Conseils de l’Europe. Il a fallu des guerres brillantes pour la lui laisser conquérir, peut-être au-delà de la stricte mesure de ce à quoi elle aurait eu le droit de prétendre… L’Empire de Napoléon Ier, trop étendu pour les ressources que pouvait lui offrir la France seule, et fondé uniquement sur la force armée, n’a pas pu se maintenir à cette hauteur, et la débâcle est venue plus vite que n’étaient arrivées les conquêtes… La France avait continué à occuper en Europe