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insurmontable aux grands roulis. Ce point est de sérieuse importance. Les navires à faible stabilité, comme il s’en est construit d’excellens pour la navigation courante, deviennent dangereux au combat, parce que c’est la stabilité surtout que bat en broche le canon ennemi. On a, comme exemples, le chavirement des croiseurs chinois au Yalou et des cuirassés russes à Tsoushima. En recherchant la protection d’une tranche cellulaire à la flottaison, on accepte d’avance une réduction de la stabilité, pour chaque compartiment crevé ; il faut donc, au navire intact, une assez large marge de stabilité, pour que les perles soient sans danger.

En second lieu, l’amplitude du roulis habituel dépend bien, comme l’ont enseigné nos vieux auteurs, les praticiens du XVIIIe siècle, du degré de synchronisme entre la houle et le roulis ; mais l’effet de ce synchronisme peut être combattu par le redressement de la position d’équilibre du navire sur houle synchrone. Ceci est du pur domaine de l’analyse mathématique, et, chose étrange, la première introduction de cette science a, dans un théorème trop célèbre, succédant à l’observation intelligente du navire à la mer, marqué un recul pour l’architecture navale. Daniel Bernoulli, égaré par une fausse conception du mouvement de l’eau dans la houle, attribua à la position d’équilibre du navire une inclinaison beaucoup plus grande que celle de la normale à la surface de l’eau agitée. William Froude a rectifié, vers 1860, Terreur ainsi commise ; il a posé, comme fait d’expérience, que la position d’équilibre est normale à la houle. Il faut aller plus loin que William Froude. La théorie de la houle, que l’on n’enseignait point de son temps ni du mien, et que j’ai bien cru être le premier à découvrir en 1869, démontre que le navire a sa position d’équilibre notablement moins inclinée que la normale à la houle. Le calcul de l’angle exact avec la verticale néglige les perturbations apportées par la présence de la carène au mouvement de l’eau environnante, mais est, à cela près, susceptible de précision. Il existe, pour chaque navire, une houle sur laquelle sa position d’équilibre reste constamment verticale, ce qui supprime tout roulis, et il n’est nullement impossible, pour un bâtiment de grande largeur, de faire coïncider cette position favorable avec le synchronisme redouté. La concordance en question n’est pas très loin d’être réalisée sur le Henri IV, cuirassé dont les qualités nautiques mériteraient une