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observation attentive ; elle a pu se rencontrer sur plus d’un monitor, à l’insu de l’auteur de ses plans.

Cette page de déductions scientifiques était, on le verra par la suite, indispensable à l’intelligence de notre sujet. Elle pourra aussi servir à rappeler la vérité, trop souvent méconnue, que la construction des navires est œuvre d’architecte et non pas de maître maçon.

Revenons à la question militaire.

L’étude du système défensif, esquissée en 1870 et abandonnée depuis lors, fut reprise en 1872, non plus pour un grand cuirassé de ligne, mais pour une simple corvette de croisière. Le but proposé fut de remplacer le type ingrat des cuirassés de station par un modèle tout nouveau, de puissance analogue, ayant les qualités de vitesse et de distance franchissable des croiseurs ; présentant le même problème sous une face différente, on se proposait de doter les croiseurs du type Inconstant de la protection due à un équipage de plus de 500 hommes et à un prix de revient dépassant 7 millions. La cuirasse verticale étant abandonnée, un pont blindé fut établi aussi bas que possible, couvrant les organes vitaux, de manière à éviter des accidens comme celui du malchanceux tuyau de vapeur qui avait désemparé le Bouvet triomphant devant le Meteor en déroute. Une fraction minime du poids d’une cuirasse fut suffisant pour cloisonner à fond la tranche cellulaire. Enfin l’effet du cloisonnement, comme flottabilité et stabilité, fut complété en utilisant toutes les ressources, qu’un navire porte en lui-même, de charbon et d’autres approvisionnemens propres à arrêter les éclats de projectiles et à faire obstacle à l’envahissement de l’eau. On réalisait, par le dernier moyen, une protection de genre analogue à celle que le soldat, couché derrière son sac, trouve contre l’ouragan des shrapnells et qui, diminuant des deux tiers le nombre des blessés, permet de tenir au feu trois fois plus longtemps.

La corvette de croisière à flottaison cellulaire, dont le premier projet fut envoyé en juillet 1872, était un bâtiment de modeste valeur militaire ; mais elle avait le mérite de faire franchir d’un bond, au système défensif contre l’artillerie, l’étape que l’on a mis ensuite vingt ans à parcourir. Or il n’eût pas été de mince importance de conserver à notre marine son rôle d’initiatrice, avec la supériorité de nos constructions incontestée