bienfait fut d’autant plus grand que les indigènes embrassèrent presque sans résistance la religion des vainqueurs. D’autre part, ils introduisirent les bêtes de somme européennes, qui se multiplièrent rapidement et dont l’emploi adoucit beaucoup la condition des classes inférieures. En outre, ils établirent la paix, qui régna sans interruption pendant près de trois siècles, de la conquête aux luttes pour l’indépendance, tandis qu’avant eux, les guerres étaient fréquentes entre les divers États indigènes dont le royaume de Mexico était seulement le plus puissant et le plus étendu. On peut médire de la colonisation espagnole, comme de toutes les colonisations : il ne lui en restera pas moins l’immortel et unique honneur d’avoir réussi, en définitive, à imprégner de la culture européenne de nombreuses sociétés indigènes et à fondre la race indigène avec la race blanche sans la détruire. Les historiens sérieux sont, du reste, revenus aujourd’hui des préjugés d’antan. Elisée Reclus, peu suspect de sympathie excessive pour la catholique et monarchique Espagne, reconnaît que la conquête fut un bonheur pour les Indiens, et les publicistes mexicains, même les plus avancés, partagent cet avis.
Sans doute la fusion des races ne s’est pas faite en un jour, et la population a fort décru au début ; peut-être même est-elle moins dense, aujourd’hui encore, dans l’Anahuac qu’au temps de Montezuma. C’est surtout au XVIe et au XVIIe siècle que beaucoup d’Indiens ont disparu ; mais il est certain que les épidémies y ont eu beaucoup plus de part que les massacres ou le travail des mines. Humboldt dit qu’il n’y avait vers 1800 dans toute la Nouvelle-Espagne que 30 000 mineurs et, si les conquérans ont apporté aux indigènes la variole et d’autres maladies qui les décimèrent, c’est là un fait indépendant de leur volonté. Quant aux obstacles que le régime colonial apporta longtemps à un mélange intime des races, ils provenaient en parti du souci, louable par lui-même, de ne pas troubler trop brusquement les habitudes des indigènes et de ne pas les livrer sans défense à la rapacité et à la brutalité des blancs. Ils n’empêchèrent pas, au reste, le mélange des populations de se faire rapidement, comme en témoignent les distinctions mêmes de races et de nuances qui classaient, sous le régime colonial, la population en sept catégories, dont trois de métis : les Espagnols de la Péninsule, les créoles blancs nés au Mexique, les métis de blancs et d’Indiens, les métis de blancs et de nègres, les Indiens, les métis de nègres et d’Indiens, et enfin les nègres.