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grandes sonates sont en trois morceaux, un mouvement lent entre deux plus vifs ; bien que l’excellent Eckard, dans son désir ingénu de se conformer aux habitudes françaises, ne manque point de substituer aux indications générales de ces mouvemens divers qualificatifs soi-disant plus précis : amoroso, maestoso, affettuoso, con discrezione. Et, pareillement, la plupart des morceaux de la sonate, chez Eckard comme chez Bach, sont en trois parties, avec de longs développemens qui conduisent, par des préparations délicatement ménagées, à une reprise variée de la première partie. Conception de l’ensemble et ordonnance des détails, tout, dans ces sonates, dérive manifestement de celles de Bach ; et il y a même certains andante, par exemple celui de la sonate en fa mineur, qui, pour la pureté de la mélodie et l’éloquence plaintive de l’inspiration, ne sont pas trop inférieurs aux touchans cantabile du maître de Berlin. Au total, une musique honnêtement pensée et proprement écrite ; médiocre, à coup sûr, mais avec une « tenue » artistique tout à fait estimable : sans compter qu’elle rachète son défaut d’originalité et son pédantisme par un charme singulier de douceur innocente et rêveuse, quelque chose comme le parfum d’une belle âme allemande. La musique de Schmucke, l’ami du Cousin Pons, devait ressembler à ces sonates d’Eckard.


Telles sont les œuvres qui, probablement recommandées au petit Mozart comme le type le plus parfait de la musique française, se sont imposées presque de force à son imitation lorsque, dès son arrivée à Paris, il s’est mis à écrire une nouvelle sonate. Je dis : « presque de force, » parce que l’agrément véritable d’œuvres comme celles-là ne pouvait guère être compris, ni goûté, d’un enfant : il était tout en nuances légères, en menues trouvailles d’accens expressifs, en des qualités d’ordre « moral » plutôt que musical. Et, de fait, non seulement Mozart, dans sa sonate en si bémol, a imité de préférence les deux sonatines publiées par Eckard à la suite de ses grandes sonates : encore n’a-t-il pris au compositeur d’Augsbourg que la forme extérieure de son art, l’allure facile et courante du rythme, l’emploi ininterrompu de la basse d’Alberti (que, d’ailleurs, nous avions constaté déjà dans sa première sonate), la division des morceaux en trois parties, avec un développement assez étendu, et jusqu’aux trilles, aux gruppetti, jusqu’au qualificatif : grazioso, au moyen