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duquel il a cru relever l’intérêt de l’un des andante les plus insignifians que nous ayons de lui[1]. Les deux premiers morceaux de sa sonate parisienne en si bémol, — les seuls qu’il ait composés à ce moment, — nous apparaissent, à leur tour, une « adaptation » enfantine des sonates d’Eckard.

Que si, après cela, nous comparons entre elles ses deux sonates de Bruxelles et de Paris, celle-ci atteste assurément un progrès très sensible. Désormais les deux « sujets » de l’allegro sont nettement distincts ; désormais le développement a une signification et une vie propres, au lieu de n’être qu’une transition écourtée et informe, comme dans la musique de Léopold Mozart ; désormais presque toute trace de l’influence de Léopold a disparu, et pour toujours, de l’œuvre de son fils. Chaque mesure de la sonate nous révèle, à présent, l’adresse et la vigueur de main d’un musicien de race. Mais ce remarquable talent de forme s’emploie, ici, sans autre résultat qu’une gentillesse passagère et banale. Sous les dehors de la manière d’Eckard, l’enfant n’a point réussi à en saisir le dedans ; et il faut connaître d’avance la prodigieuse variété du génie de Mozart pour ne pas s’étonner que cette agréable sonate ait pu sortir, à quelques jours d’intervalle, du même cœur d’où avait jailli le pathétique début l’andante que j’ai signalé tout à l’heure.


II. — LE BON MONSIEUR GRIMM

Cependant Léopold Mozart, tout à son rêve de fortune, poursuivait la série de ses courses, aux quatre coins de la ville. Hélas ! ni les introductions dont il s’était pourvu, ni la « noblesse » de ses manières, ni son infatigable assiduité, ne parvenaient à lui valoir l’accès des salons parisiens. « Toutes les lettres que j’ai apportées avec moi ne m’ont servi à rien ! — écrira-t-il plus tard aux Hagenauer. — A rien, les recommandations de l’ambassadeur français à Vienne ! A rien, celles de l’envoyé impérial à Bruxelles ! A rien, celles qu’on m’a remises pour l’ambassadeur d’Autriche à Paris, pour le prince de Conti, la duchesse

  1. Il se pourrait, cependant, qu’Eckard eût un peu contribué à développer, chez Mozart, le goût des modulations chromatiques, qui, sûrement, n’a pu venir à l’enfant ni de son père, ni des auteurs de sonates qu’il connaissait jusque-là. Car le chromatisme abonde, dans l’œuvre d’Eckard, et souvent traité avec une insistance toute « mozartienne. »