toutes choses sur la bonne voie que tout doit forcément réussir, quand il l’a résolu[1]. »
Dès le 1er décembre, Grimm commençait sa Correspondance par un long éloge des deux petits musiciens. Cet éloge a été souvent reproduit et cité, comme le document historique le plus important que nous possédions sur le premier séjour de Mozart à Paris ; et certes son importance historique est incontestable, car tout porte à penser que Grimm, non content de l’adresser aux princes allemands abonnés à sa chronique, l’aura encore répandu dans Paris, à la façon d’une circulaire ou d’un prospectus. Mais le prospectus ressemble si fort à d’autres, répandus précédemment en Allemagne, et, dans la suite, en Angleterre et en Hollande, que l’on devine aussitôt, à le lire, que Grimm n’en est proprement que le traducteur. Il y a mis la sauce de sa philosophie, notamment quand il dit, au début : « Les vrais prodiges sont assez rares pour qu’on en parle lorsqu’on a occasion d’en voir un ; » ou bien quand, après avoir observé « qu’il est difficile de se garantir de la folie en voyant des prodiges, » il ajoute, avec son tact et son bon goût ordinaires : « Je ne suis plus étonné que saint Paul ait eu la tête perdue après son étrange vision. » Il y a mis aussi cette haine et ce mépris de la France qui sont parmi les traits les plus distinctifs du parfait Parisien qu’il était. « C’est dommage, s’écrie-t-il tout à coup, qu’on se connaisse si peu en musique en ce pays-ci ! » Mais quant au fond de l’article, c’est certainement Léopold Mozart qui le lui a fourni. Nous y retrouvons jusqu’à des phrases entières (par exemple sur la jeune Marianne) que nous avons lues déjà dans l’annonce d’un concert à Francfort. Même complaisance à insister sur les tours de force : le clavier couvert d’une serviette, les transpositions, etc. Même petit mensonge sur l’âge de l’enfant, « qui aura sept ans (huit en réalité) au
- ↑ Pour qu’on ne se méprenne pas sur le flair musical de Grimm, et sur les motifs de la protection qu’il a accordée aux Mozart, je dois, dès maintenant, ajouter ceci : quand, en 1778, Mozart, déjà tout rayonnant de génie, reviendra chercher fortune à Paris, le même Grimm, malgré les plus touchantes supplications du père, s’empressera de l’éconduire, d’abord en y mettant quelques formes, et puis le plus brutalement du monde ; et il écrira à Léopold Mozart d’avoir à rappeler près de lui son fils, décidément incapable de rien faire de bon à Paris. C’est surtout par la faute de Grimm que Mozart n’est pas devenu, comme Gluck et Schobert, un compositeur français. Voyez, au reste, dans l’excellente traduction des lettres de Mozart par M. Henri de Cuizon, en quels termes le jeune homme lui-même définit et juge le caractère de son « protecteur » (p. 252 et suivantes).