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magnifique habit bleu, abondamment garni de dentelles blanches. Puis, lorsque M. de Carmontelle, aidé sans doute des conseils de Grimm, les eut installés dans une pose qui, tout en variant agréablement l’expression de leurs qualités, allait lui permettre le mieux d’apercevoir et de dessiner leurs profils, — Wolfgang, au centre du groupe, juché sur une chaise devant le clavecin, le père, debout derrière lui, jouant du violon, la sœur, la pauvre Marianne, reléguée au second plan, avec un morceau de musique dans les mains, et faisant mine de chanter (hélas ! sans aucune voix), — il vint s’asseoir, lui-même, à l’autre bout de la pièce, devant une table carrée où il y avait un verre d’eau, une minuscule palette, plusieurs pinceaux, un crayon noir et un crayon rouge emmanchés aux deux extrémités d’un porte-crayon, et un grand album ouvert à une page blanche. Et puis, avec une aisance, une sûreté merveilleuses, — quelques traits de sanguine pour les visages, quelques traits de crayon pour le reste des figures et les accessoires, — le dessin du groupe se trouva indiqué, sauf ensuite pour le peintre à achever de le colorier, en l’absence des modèles, comme aussi à l’agrémenter d’un léger fond de verdure printanière.

Tout le monde connaît ce portrait des Mozart, par l’excellente reproduction qu’en a faite, le mois suivant, le graveur Delafosse : reproduction en effet si excellente, d’un art si habile et si consciencieux, que l’original y est vraiment rendu jusque dans les détails les plus insignifians. Mais l’original, tel qu’on peut le voir au Musée Condé, n’en garde pas moins un charme de fraîcheur et de naturel que nulle reproduction ne saurait nous offrir[1]. C’est, à coup sûr, l’une des œuvres les plus réussies de Carmontelle, — dont la manière allait d’ailleurs bientôt changer et un peu se gâter, après dix ans d’un progrès ininterrompu. Composition et expression, dessin et couleur, tout y est du goût le plus délicat. Avec cela, évidemment, une ressemblance parfaite. La figure du père, en particulier, est toute pareille à celle que nous montre l’image gravée au frontispice de l’École du Violon ; et rien n’est plus curieux que de comparer le profil du

  1. On trouvera une photographie de l’aquarelle originale de Chantilly dans l’intéressant ouvrage consacré par M. Gruyer aux portraits de Carmontelle du Musée Condé (librairie Plon, 1902). Et je ne puis m’empêcher, à cette occasion, de remercier ici M. G. Maçon pour l’obligeance avec laquelle il a bien voulu m’aider de sa précieuse érudition, dans l’étude es charmans et instructifs portraits confiés à sa garde.