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alors en deuil était la jeune princesse de Parme, femme de l’archiduc Joseph et petite-fille de Louis XV, qui venait de mourir à Vienne le 25 novembre : mais ce deuil ne pouvait guère constituer un obstacle à une réception du genre de celle que sollicitaient les Mozart. La vérité était sans doute que, parmi les tristesses publiques et privées de cette fin d’année, la Cour, elle non plus, n’était pas d’humeur à écouter deux petits phénomènes jouant du clavecin. N’importe : ici encore, l’extraordinaire entregent de Grimm réussit à triompher de tous les obstacles. Sur ses instances, le jeune duc de Chartres et une dame d’honneur de la Dauphine, la comtesse de Tessé, prirent en main la cause des deux enfans prodiges, et leur obtinrent la promesse d’une séance au château pour les derniers jours de décembre. Avis en fut donné aussitôt au père : et c’est ainsi que, la veille de Noël, nos quatre voyageurs plièrent de nouveau leur bagage, firent atteler, de nouveau, leur « noble » carrosse, et, sous une pluie glacée, se mirent en route pour conquérir Versailles.


III. — A VERSAILLES[1]

Léopold Mozart avait été officiellement chargé, comme on a vu, d’envoyer à son maître, l’archevêque de Salzbourg, un récit détaillé de sa réception à la Cour de Versailles, ou plutôt, un tableau détaillé des particularités de cette cour, qui excitait alors, plus que jamais, la surprise, l’admiration, et l’envie de tous les princes allemands. Ce précieux document, par malheur, ne nous est point connu. Il doit pourtant exister quelque part, à Salzbourg ou à Vienne, dans un coin d’archives ; et je crois bien qu’on retrouverait, en outre, au Mozarteum de Salzbourg, — parmi le millier de pièces inédites qui restent là cachées plus hermétiquement que ne le furent jamais des secrets d’Etat, — maintes informations curieuses sur l’emploi du temps des Mozart, pendant les deux semaines de leur séjour à Versailles. En France, aucune trace de ce séjour ne paraît s’être conservée dans les mémoires, lettres, et journaux du temps. Seul l’intendant Papillon de la Ferté, dans son registre des dépenses de la

  1. Ai-je besoin de dire combien, m’ont été utiles, pour cette partie de mon récit, les beaux livres de M. de Nolhac sur Marie Leczinska et sur Mme de Pompadour, comme aussi les savantes études sur Versailles, publiées par M. A. Bertrand dans la Revue du 1er décembre 1904 et du 1er avril 1905.