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chambre du Roi, mentionne, le 12 février 1764, un paiement de cinquante louis « par ordre de Mesdames, » à « un enfant qui a joué du clavecin devant elles. » Force nous sera donc de nous contenter, pour cette partie de notre histoire, des renseignemens, — bien confus et bien désordonnés, mais d’ailleurs assez nombreux, — que nous offrent les lettres de Léopold Mozart aux Hagenauer.


Par une coïncidence de fâcheux augure, à l’instant où les Mozart pénétraient au château de Versailles, le soir du 24 décembre, une nouvelle de mort y entrait avec eux. « Nous étions dans la Galerie Royale, raconte le père, lorsque nous avons vu passer le Roi ; il revenait de chez la Dauphine, à qui il était allé annoncer la mort de son frère, l’électeur de Saxe. » Léopold raconte cela plus d’un mois après, le 1er février, et il ne pense plus qu’à se glorifier, devant ses amis, du hasard de cette auguste rencontre : mais j’imagine que, sur le coup, la nouvelle de la mort de l’électeur de Saxe a dû l’émouvoir très péniblement, en réveillant ses alarmes des semaines passées. Cette fois, en effet, c’était un deuil tout frais, qui risquait d’ajourner encore la réception promise ; et ce deuil atteignait la Dauphine, celle de toutes les princesses de la Cour sur la sympathie de qui les Mozart étaient le plus en droit de compter, la sachant Allemande, très éprise de musique, et, de plus, la maîtresse de leur protectrice Mme de Tessé ! De telle sorte que les pauvres gens durent se faire plus d’une réflexion mélancolique, ce soir-là, en suivant la foule jusqu’à la chapelle du château, pour y assister aux messes de minuit.

Mais sans doute ils ne tardèrent pas à être distraits de leurs réflexions quand, ayant pénétré dans la chapelle, ils découvrirent le luxe et la beauté du décor qui les entourait, la grande gloire dorée du maître-autel tout illuminé, la colonnade, les peintures du plafond, dont l’une, au-dessus de l’orgue, représentait le concert des anges ; quand ils virent entrer, dans la tribune du fond, le Roi et la famille royale, au son des fifres de la garde suisse ; et quand, ensuite, l’office des trois messes de nuit se déroula devant eux, avec une pompe moins majestueuse qu’à leur cathédrale de Salzbourg, mais combien plus variée et plus élégante ! « Voilà donc cette cour qui remplit l’univers de sa renommée ! » songeaient-ils, transportés de plaisir et d’orgueil. De tous leurs yeux